Commentant l'évolution de la situation politique dont elle redoute les dangers, la responsable du Parti des travailleurs (PT) n'exclut pas que le président Bouteflika pourrait être amené à «convoquer une élection présidentielle anticipée» C'est avec une colère mêlée d'inquiétude que la patronne du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, a réagi au chamboulement qui agite le sommet de l'Etat, notamment les récentes «décisions» au sein de l'appareil sécuritaire. Intervenant à la réunion du bureau politique de son parti, hier, Mme Hanoune a fermement dénoncé l'arrestation et les accusations contre l'ex-patron de la lutte antiterroriste au sein du DRS, le général Hassan. Elle s'interroge sur les motivations d'une décision aux conséquences graves. «Le général Hassan s'est illustré par ses compétences en matière de lutte contre le terrorisme, il a brillamment participé au règlement de la prise d'otages de Tiguentourine. Tout le monde reconnaît que l'ANP a fourni un travail de haute qualité dans ce dossier et voilà qu'aujourd'hui, de l'intérieur, on vient porter ce genre d'accusations», s'inquiète la secrétaire générale du PT. Elle juge ainsi les accusations portées contre l'ancien chef de la lutte contre le terrorisme de «graves et même très graves». «C'est une situation qui fait peur», annonce-t-elle. La leader du PT qui, depuis des mois, radicalise sa ligne d'opposition, n'a pas hésité à défendre l'un des tout puissants généraux des services de renseignement voué aux gémonies. Les accusations qui pèsent sur le général Hassan «peuvent ouvrir la voie aux ingérences étrangères. Pis encore, en l'accusant d'association de création d'une organisation armée, on peut aussi l'envoyer devant le Tribunal pénal international», alerte l'opposante de gauche. Se disant préoccupée plus que jamais, elle estime que «cette situation risque de déstabiliser sérieusement l'Etat. Cela participe à l'affaiblissement de la stratégie de la lutte contre le terrorisme et jette un discrédit sur l'Etat». Mme Hanoune, qui en appelle à «la sagesse qui doit l'emporter sur toute autre considération», n'a pas manqué de rappeler les autres décisions prises récemment au sein de l'armée en mettant un gros point d'interrogation. «Sans s'immiscer dans les prérogatives du président de la République, tout les chamboulements constatés — le limogeage des généraux-majors Ali Bendaoui du DSI et Djamel Kehal Majdoub de la DGSPP, la dissolution du Groupe d'intervention spécial — sont autant de mesures qui suscitent des inquiétudes chez les citoyens comme chez le Parti des travailleurs», a-t-elle averti.«Il s'agit de la colonne vertébrale de l'Etat et du pays. Ces mesures troublantes peuvent dangereusement fragiliser la lutte antiterroriste», rappelle-t-elle. De son point de vue, la situation est plus que grave : «Où va notre pays ? Que se passe-t-il ? Pourquoi ces mesures ? Un manque de lisibilité pas du tout rassurant», constate-t-elle. Louisa Hanoune, qui a essuyé des critiques d'un pan de la classe politique lui reprochant son «compagnonnage» avec le régime Bouteflika, a tenu à préciser que le PT «a de tout temps combattu la politique de Bouteflika depuis 1999 jusqu'à 2008 et s'il a soutenu les mesures positives prises notamment dans le domaine économique, il n'a jamais abandonné son opposition au régime et sa revendication d'une rupture totale avec le système du parti unique». Pour bien préciser sa pensée et sa position, Mme Hanoune a réaffirmé que «des élections locales, législatives ou présidentielle peuvent être dictées par la conjoncture politique dans un sens positif ou négatif». Elle n'exclut pas que «l'évolution de la situation puisse amener le président de la République à convoquer une élection présidentielle anticipée». «Ce n'est pas un appel de son parti, explique-t-elle, mais c'est une éventualité qu'il faut évoquer sereinement»… Rejet de l'austérité Les inquiétudes de Louisa Hanoune ne se limitent pas uniquement aux manœuvres dans le sérail, elles concernent aussi et surtout la mauvaise santé économique du pays et ses conséquences «désastreuses sur les travailleurs». Contrairement aux assertions du chef du gouvernement, elle affirme que les mesures économiques prises «annoncent bel et bien le virage de l'austérité dont la facture sera payée par les travailleurs et les couches défavorisées». «Le discours devant les walis confirme ce tournant. Je préviens, ce n'est pas au peuple de payer. L'abrogation de l'article 87 bis est une grande escroquerie», peste-t-elle. Par ailleurs, Mme Hanoune condamne vigoureusement «les cadeaux faits à l'oligarchie contenus dans les mesures de la loi de finances et les orientations données aux walis». Elle exprime en outre son «opposition frontale à l'idée de recours à l'endettement extérieur, comme l'a laissé entendre le Premier ministre». Mme Hanoune évoque le cas de la Grèce pour illustrer que «l'endettement extérieur, c'est la mise sous tutelle du pays». Le PT, qui a combattu le projet de loi sur la santé «annonçant la privatisation du secteur», demande à ce que le projet de Boudiaf soit «carrément retiré et non reporté pour une deuxième lecture». Le PT interpelle le Premier ministre sur «l'injustice qu'on fait subir aux syndicalistes suspendus d'ArcelorMittal» et «à agir vite pour répondre aux revendications des travailleurs en grève depuis quatre mois».