Le plan anticrise algérien vient d'être dévoilé par le ministre des Finances lui-même. Il s'agit donc, en tout et pour tout, pour le tout nouveau ministre Abderrahmane Benkhalfa de puiser dans l'importante masse monétaire qui nourrit l'informel dans le pays. Ainsi, pas question pour lui de songer au recours à l'endettement extérieur dont a parlé — peut-être maladroitement mais le risque est réel — le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, la semaine dernière lors de la réunion gouvernement-walis à Alger. La question évoque en effet pour la majorité des Algériens des souvenirs douloureux. Mais que faire ? «L'Algérie n'a pas besoin de l'endettement extérieur, elle a besoin de l'argent des Algériens, de ses ressources internes qu'elle veut intégrer dans le circuit bancaire et ce n'est pas une opération conjoncturelle mais une démarche qui s'inscrit dans la durée», a déclaré M. Benkhalfa, cité par l'APS, en marge d'une journée d'information sur les mesures de la loi de finances complémentaire (LFC) 2015. On l'a compris, ce n'est pas là une mince affaire car le travail serait lent et fastidieux tant il sera question ici de (pouvoir) canaliser les activités informelles dans le secteur formel, c'est-à-dire la bancarisation. Autrement dit, il s'agit de réussir là où tous les gouvernements précédents ont échoué notamment depuis le début des années 2000. Particulièrement avant la reprise du marché pétrolier, dont les cours étaient alors en deçà de 22 dollars. Et pour cela, le gouvernement semble avoir encore un peu de marge de manœuvre pour conduire ce gigantesque programme de réforme qui — il faut le dire — est d'autant plus complexe qu'il constitue le cœur même du système politico-économique algérien en ce qu'il touche déjà directement aux activités du commerce extérieur. En tout cas, le ministre des Finances qui ne semble pas a priori découragé par une telle entreprise assure que ces ressources «nous mettront à l'abri d'autres décisions non souhaitées». Avec une fiscalité pétrolière encore très soutenable et une fiscalité ordinaire qui devrait atteindre 2700 milliards de dinars en 2016, selon lui, l'Algérie «n'est pas en position de mal aisance financière, et ne compte pas sur la taxe de 7% pour avoir des ressources mais veut juste impliquer le milieu des affaires dans le développement». Soit. Mais la démarche conserve-t-elle toutes ses chances de succès ? Car au-delà de la volonté de mener le travail d'explication pour convaincre les différents rouages de l'administration économique dont les contre-performances sont connues de tous, il existe un obstacle qui à lui seul peut avoir raison de la plus solide des abnégations : c'est le «manque de confiance» que vient de reconnaître le ministre lui-même. Il a appelé les PDG des banques à engager «des équipes volantes» qui iront sur le terrain pour essayer de convaincre les personnes activant dans l'informel à se régulariser vis-à-vis de l'administration fiscale. Selon la Banque d'Algérie, l'argent liquide circulant dans l'informel tourne autour de 1000/1300 milliards de dinars. Néanmoins, si «l'ensemble des agences bancaires ne se mobilisent pas (pour la réussite de ce dispositif), nous serons vulnérables en 2016», a-t-il averti. Et là, le fantôme de l'endettement recommencera à planer au-dessus de la tête des Algériens. Pour le reste, le gouvernement compte aussi sur la maîtrise des dépenses pour conjurer un tant soit peu la crise. Mais force est d'admettre qu'au-delà des mots comme «la rationalisation des dépenses», il s'agit purement et simplement de revoir la copie à la baisse, qui est synonyme de baisse d'activité. Les dépenses budgétaires qui vont diminuer de 9% sont là pour l'attester en dépit des fausses assurances des officiels. Le gouvernement prévoit une croissance de 4,6% pour l'année 2016, selon le ministre délégué chargé du Budget et de la Prospective, Hadji Baba Ammi.