Les prévisions du gouvernement en matière de recouvrement de l'argent de l'informel sont-elles faussées? Si «l'ensemble des agences bancaires ne se mobilisent pas (pour la réussite de ce dispositif) nous serons vulnérables en 2016». dixit le ministre des Finances. L'opération de «mise en conformité fiscale» que certains acteurs politiques préfèrent qualifier d'amnistie fiscale, bat-elle de l'aile? Il semble que les prévisions du gouvernement en matière de recouvrement de l'argent de l'informel soient faussées, au regard des déclarations du ministre des Finances, hier à Alger, en marge d'une journée d'étude sur la LFC. Abderrahmane Benkhalfa préconise l'organisation de toute une semaine de portes ouvertes sur les banques. Cet «événement» qui n'était pas dans l'agenda du grand argentier du pays, doit avoir lieu avant la fin de l'année. Il est rendu incontournable pour donner un maximum de lisibilité au dispositif gouvernemental portant «mise en conformité fiscale». L'objectif avéré à cette semaine portes ouvertes consiste, en réalité, à «renforcer la relation banques-citoyens» a indiqué le ministre des Finances. Cette démarche du gouvernement est une reconnaissance de fait, de l'existence d'un «problème de confiance» entre les banques et les citoyens, que M.Benkhalfa estime nécessaire de rétablir. Ce «problème de confiance» pourrait-il expliquer à lui seul les débuts chaotiques de l'opération de bancarisation de l'argent de l'informel? En tout cas, le ministre veut bien le croire et appelle les P-DG des banques à aller chercher cet argent au lieu d'attendre que les commerçants de l'informel se présentent aux guichets, ce qui n'est manifestement pas le cas et qui provoque un début de panique en haut lieu. Cela se traduit par la proposition du ministre qui invite les responsables des banques primaires à monter «des équipes volantes», dont la principale mission sera d'amener les barons de la «chkara» à régulariser leur situation auprès du fisc. Cette démarche, qui ressemble à s'y méprendre à du bricolage, repose sur un principe très capitaliste. Il s'agira de «stimuler les agents bancaires: un chargé de la clientèle qui arrive à ramener quatre ou cinq clients de l'informel mérite d'être récompensé», explique le ministre des Finances. Le propos du ministre devient inquiétant et donne la mesure de la panique lorsqu'il affirme que si «l'ensemble des agences bancaires ne se mobilisent pas (pour la réussite de ce dispositif) nous serons vulnérables en 2016». Il y a là un net aveu de l'importance de l'informel dans l'économie nationale et une sorte d'ultimatum lancé à l'adresse de la société, histoire de la mettre au courant des véritables enjeux de cette «mise en conformité fiscale» que le Parti des travailleurs a dénoncée avec vigueur. Le ministre ne s'en cache pas vraiment, puisqu'il affirme que «l'Algérie (...) a besoin de l'argent des Algériens, de ses ressources internes qu'elle veut intégrer dans le circuit bancaire et ce n'est pas une opération conjoncturelle mais une démarche qui s'inscrit dans la durée», signale le ministre qui, dans une tentative de rassurer les fortunes-cibles, met en avant la préoccupation prioritairement économique et non pas policière du gouvernement. «Nous mobilisons les ressources de la nation avec toutes les garanties juridiques et techniques, nous ne les mobilisons pas pour les stocker mais pour les utiliser dans la croissance économique», a-t-il soutenu. Ces ressources «nous mettent à l'abri d'autres décisions non souhaitées», relève-t-il, allusion à l'endettement extérieur qui menace l'Algérie. Le ministre veut voir dans cette opération un apport supplémentaire pour la trésorerie publique, arguant que la bancarisation de l'argent de l'informel aura pour conséquence l'élargissement de l'assiette fiscale, donc une baisse d'impôt au profit de l'investissement. Au jour d'aujourd'hui, la fiscalité pétrolière reste soutenable. La fiscalité ordinaire devrait rapporter quelque 2700 milliards de DA en 2016. Cela amène le ministre à considérer que cet état de fait ne représente pas «une position de mal-aisance financière». De fait, soutient-il, l'Algérie «ne compte pas sur la taxe de 7% pour avoir des ressources mais veut juste impliquer le milieu des affaires dans le développement». Mais à court terme, le non-recouvrement des 1300 milliards de dinars d'argent liquide circulant dans l'informel posera un sérieux problème aux décideurs. «Nous espérons mobiliser cette somme d'ici à la fin 2016», date limite de la conformité fiscale volontaire, a indiqué le ministre, sans pour autant annoncer la suite à réserver à ceux qui refusent de se régulariser fiscalement. Ils sont assez nombreux pour créer la panique en haut lieu.