Les performances de l'économie chinoise ces dernières années sont scrutées à la loupe par de nombreux analystes. Il s'agit d'observer ce qui est conforme à nos connaissances économiques et aux pratiques historiques et ce qui est révélateur d'autres possibilités. Sans chercher à expliciter les multiples détails des modes de fonctionnement de l'économie chinoise, nous pouvons expliciter quelques facettes qui seront utiles à considérer dans le management de l'économie algérienne. Le mode de fonctionnement économique chinois recèle de nombreuses similitudes, mais aussi quelques spécificités qu'il convient d'identifier. Nul ne peut prétendre appréhender même l'essentiel de l'économie chinoise en un si court article. Aujourd'hui, les écrits sur le pays s'étalent sur des milliers d'ouvrages et d'articles par an. Inutile de préciser que personne ne peut les parcourir exhaustivement pour en restituer l'essentiel des contenus. Mais tout effort de simplification serait louable. L'expérience chinoise a participé à faire accepter l'idée d'une manière définitive qu'un pays, sous certaines conditions, peut prospérer économiquement sans forcément être une démocratie politique. En cela, elle conforte les anciennes expériences de la Corée du Sud, de l'Espagne, du Chili et autres. Nous avons la preuve formelle qu'un pays autoritaire peut être économiquement prospère. La démocratie est souhaitable pour les vertus qu'elle recèle : droits de l'homme, liberté, transparence, etc. Mais elle ne garantit en rien la prospérité économique : le cas de la Grèce constitue un bel exemple. Bien sûr, l'idéal serait d'avoir les deux en même temps. On résoudrait alors autant les problèmes politiques qu'économiques. L'expérience chinoise montre seulement qu'une croissance économique soutenue et à deux chiffre n'est pas incompatible avec un Etat non démocratique. Il faut seulement créer un environnement qui libère les initiatives publiques, mais surtout privées. Et cela peut se faire dans un contexte non démocratique. Similitudes et différences avec les expériences connues La Chine (tout comme l'Inde) a eu la chance et le génie de prioriser le développement humain dans l'ordonnancement de ses réformes. L'ouverture économique a été graduelle, mais précédée d'un effort sans pareil pour mettre au niveau mondial les universités, centres de recherche, formation professionnelle et ressources humaines déjà opérationnelles. Les meilleures institutions de formation mondiale furent introduites en Chine : Harvard, MIT, etc. Cet effort qui a coûté des centaines de milliards de dollars a permis de corriger toutes les inepties de l'ère communiste qui avaient gravement détérioré la qualité des ressources humaines (sauf dans certains secteurs de l'armée). On est conforté dans ce que nous connaissons : il n'y a jamais eu de pays émergent qui n'a pas hissé son système de formation, sa recherche et développement et l'ensemble de sa politique scientifique au niveau mondial. Par la suite, une forte décentralisation fut opérée : en plus du plan de développement national, les communes et les régions créent leur propre développement sous formes de plans décentralisés. 60% des exportations chinoises proviennent des entreprises locales. Deuxième leçon : un développement centralisé est impossible de nos jours. La Chine a également su clarifier le rôle du politique et celui de l'économique. Le parti communiste fixe les objectifs et les priorités du pays, contrôle, ajuste, mais les planificateurs (comité de planification chinois) prennent les décisions stratégiques et opérationnelles pour moderniser le pays. Troisième leçon : lorsque les décisions politiques se substituent aux choix techniques, aucun pays ne peut opérer les rattrapages désirés. Par ailleurs, les décideurs chinois on réussi une prouesse qui a causé beaucoup de dérapages dans de nombreux pays : éviter que le secteur économique public ne devienne une entité budgétivore qui engloutit la majeure partie des ressources du peuple. Exception faite de quelques entreprises publiques stratégiques, le reste est soumis aux lois du marché. On n'assainit pas une entreprise publique en faillite ; elle est soumise aux mêmes lois de marché que le reste de l'économie. Si bien que le secteur public qui représentait 100% de l'économie à la fin des années soixante-dix se voit réduit autour de 30% actuellement. Secret chinois : on a su opérer une déconnexion entre l'économique et le politique. Ce Qu'il fallait éviter L'économie chinoise n'est pas immunisée contre de nombreuses déficiences : la corruption est encore importante, l'administration un peu lourde. Les mécanismes mis en place pour endiguer ces plaies se sont révélés d'une efficacité limitée. Mais, globalement, les entreprises nationales et étrangères ont trouvé dans le système beaucoup plus d'avantages que de freins. La qualité des ressources humaines à faible coût compense pour le reste. Ce ne sont pas uniquement les salaires qui intéressent les entreprises, mais la productivité des ressources humaines par rapport aux coûts encourus. D'ailleurs, c'est de ce coté-là que vient le premier problème de l'économie chinoise. Elle a opéré des rattrapages importants par rapport aux pays développés (comme le préconise la théorie de la croissance), mais elle commence à être sérieusement concurrencée par d'autres économies qui lui raflent des investissements et des marchés. La Malaisie, le Vietnam, l'Indonésie ne sont qu'un échantillon de ces pays qui contestent à la Chine sa suprématie. L'excès de dépendance des marchés extérieurs a été également dévastateur pour la croissance chinoise qui chute (de 12 à 7%) dangereusement. Cependant, l'erreur chinoise la plus flagrante consistait à laisser se développer une économie financière spéculative déconnectée de l'économie réelle. On connaissait le problème, mais pas l'ampleur. Quelque 80% des ménages chinois possèdent des actions des sociétés cotés en Bourse. Une grande partie a acquis ces titres grâce à des emprunts bancaires. On se souvient que ceci fut la cause principale de la crise de 1929 qui débuta à Wall Street, puis se déversa sur le monde entier. Une activité spéculative s'est développée au sein de la Bourse de Shanghai. Les cours (prix des actions) ont plus que doublé en un an alors que la croissance et les bénéfices ralentissaient. Il était inévitable que des actions correctives se produisent. Le krach boursier était inéluctable. Ses conséquences sur l'économie réelle s'avèrent désastreuses. On se demande comment les spécialistes chinois ont pu laisser se développer pareille anomalie. L'économie algérienne n'a pas cette caractéristique et c'est tant mieux. Il faut éviter qu'une économie spéculative ne se développe. Mais on aurait aimé copier la Chine sur le développement humain, la décentralisation, le traitement du secteur public et bien d'autres aspects, mais éviter ce qui est négatif. PH.D en sciences de gestion