Nous ne sommes pas pressés pour le moment pour l'activité politique. Nous voulons aujourd'hui renforcer la paix. Au moment venu, nous aurons un projet politique. Nous ne renoncerons pas à nos droits politiques », a déclaré hier Rabah Kébir, chef de l'instance exécutive de l'ex-FIS à l'étranger, lors d'une conférence de presse à Bouzaréah, sur les hauteurs d'Alger, dans une villa – anciennement siège de Khalifa Bank – appartenant au député indépendant Ahmed Boufracha, ex-élément de l'insurrection islamiste armée des années 1980 et homme d'affaires. Au lendemain de son retour d'Allemagne après 15 ans d'absence, avec deux autres leaders du parti dissous, Abdelkrim Ghemati et Abdelkrim Ould Adda, Rabah Kébir, contesté par le « groupe d'Alger » (Benhadj, Boukhamkham, Djeddi, Guemazi), semble sûr de la reprise de l'activité politique du parti dissous. « Pour nous, le FIS comme sigle n'est pas le Coran, c'est un moyen et non une fin. Quand le PPA (Parti du peuple algérien) a été interdit, d'autres partis ont pris le flambeau et il y a eu l'indépendance », a-t-il dit hier. Pourtant, la Charte pour la paix et la réconciliation, les discours du président Abdelaziz Bouteflika et de son ministre de l'Intérieur stipulent l'interdiction du retour aux affaires publiques des chefs de l'ex-FIS. « Rien ne nous empêche de bénéficier de nos droits en coordination avec tous les acteurs importants de l'Algérie (…) Je n'ai pas trouvé dans les déclarations du président de la République des notions d'exclusion. » Le ministère de l'Intérieur, pour rappel, avait refusé d'agréer le parti Wafa de l'ex-ministre des Affaires étrangères Ahmed Taleb Ibrahimi sous motif de « présence de militants du parti dissous » dans cette formation. « C'est l'approche du ministre de l'Intérieur et je ne connais pas ses véritables intentions. C'est un discours politique, c'est-à-dire un discours qui convient à une étape donnée. Un citoyen peut être privé de ses droits civiques, mais pour une période donnée, pas jusqu'au Jugement dernier », a plaidé Rabah Kébir. A l'approche des législatives de 2007, Kébir ne cache pas ses ambitions : « La participation aux élections sera étudiée en temps opportun. » Kébir rêve-t-il encore de l'instauration d'un Etat islamique en Algérie, 15 ans de tueries après ? « L'Etat islamique (addawla el islamiya) est le souhait du peuple. Nous ne demandons pas plus que l'application de la déclaration du 1er novembre 1954 qui parle d'un Etat islamique. En disant cela, les gens ne veulent pas d'un système importé, comme celui des talibans ou autre. » Kébir a exhorté « tous ceux qui sont encore dans l'action armée de faire confiance à leur Etat et à profiter des lois actuelles pour réintégrer la société en toute sécurité ». « Les motivations politiques, morales ou religieuses de l'action armée n'ont plus de raison d'être. L'Etat se dirige de manière sincère vers une politique qui fait participer les citoyens à la décision », a-t-il ajouté, estimant que « les actions armées ont diminué et la situation sécuritaire s'est améliorée. Il reste qu'il existe des extrémistes dans les deux camps. Ce sont eux qui profitent de la crise ». Kébir semble ignorer que l'ultimatum des redditions est dépassé. Réagissant à la confirmation de l'allégeance du GSPC à Al Qaîda, Rabah Kébir a indiqué qu'il était « contre tout attache avec une partie étrangère, et ce, depuis le début ». Il ne précise pas le contexte historique de ce « début ». Il s'est dit « prêt à œuvrer pour consolider la réconciliation, avec tout le monde, au sein du pouvoir, même si on est en désaccord sur certaines lectures politiques, avec la classe politique et la société ». Il a précisé les « responsabilités du pouvoir » : « Accélérer l'application des lois de la charte et le faire de la meilleure manière possible. Il n'est pas possible qu'on ne réintègre pas ceux qui avaient été licenciés et de leur octroyer de faibles indemnisations. Il faut éviter la marginalisation des uns ou des autres. C'est là une des raisons de la crise ». Kébir a accusé « certaines parties » qui veulent « vider ces lois de leur contenu ». « Des institutions importantes de l'Etat soutiennent la réconciliation : dans l'armée et dans les services de sécurité, c'est là où on y tient le plus », a-t-il souligné, sans plus de détails. Les détails, c'est exactement ce qui manquait aux déclarations de Kébir. Comment a-t-il pu fuir le pays au début des années 1990 alors qu'il était en surveillance surveillée ? « Ce n'est pas important d'en parler. Cela appartient à l'histoire. J'ai pu partir dans des circonstances simples et personnelles », a-t-il répondu. Intervient alors Dalila Kouidri, proche de disparus, qui souligne que même si elle appuie la réconciliation, il reste que le dossier des disparus reste pendant. Kébir a répondu, estimant que des membres de sa famille sont concernés par ce dossier et que le président Bouteflika devrait prêter « une attention particulière à ce dossier piégé ». « Les indemnisations est une chose et la vérité est une autre » : la phrase de Mme Kouidri se perd dans le brouhaha qui suit la fin de la conférence de presse. Personne n'en tient compte. On sert des petits fours, des salés et des jus de fruits. Ali Benhadj, le numéro deux de l'ex-FIS, est empêché de tenir sa propre conférence de presse par Madani Mezrag, le chef de l'ex-Armée islamique du salut (AIS), qui joue le rôle du chef du service d'ordre. A signaler la présence de Kacem Kébir, dissident du RND d'Ahmed Ouyahia.