Le gouvernement de Habib Essid est impatient de signer un pacte social de deux ans avec les syndicats qui n'ont de cesse d'imposer leurs exigences. Les négociations continuent à traîner et les grèves persistent. Le gouvernement tunisien a déjà mis 1,1 milliard de dinars (500 millions d'euros = 3,5% du budget 2014) sur la table des négociations avec la centrale syndicale, UGTT, afin de parvenir à une paix sociale en 2016-2017. Cette enveloppe est proposée sous forme d'augmentations salariales aux fonctionnaires de l'Etat par les différents gouvernements post-révolution (Jebali, Laârayedh et Jomaâ) qui ont passé 21 accords avec les syndicats qui n'ont jamais été appliqués. La réunion de la commission administrative de l'UGTT, réunie le 16 septembre, a accepté la proposition gouvernementale. Mais, les instituteurs de l'enseignement primaire ne sont toujours pas satisfaits. Ils veulent obtenir, en plus, des promotions spécifiques, à l'instar de celles qui ont été données l'année dernière aux professeurs de l'enseignement secondaire. Par ailleurs, les négociations sociales traînent également dans le secteur privé. C'est ce qui fait reculer la signature d'un pacte social entre le gouvernement, l'UGTT et la centrale patronale, Utica. Situation financière difficile Depuis juin dernier, tout le monde s'attendait aux retombées financières par la présence du président Béji Caïd Essebsi au dernier G7 en Allemagne. Mais, la crise économique que continue à traverser l'Europe, n'a pas arrangé les choses pour la Tunisie. La crise aiguë du secteur touristique a enfoncé davantage l'économie tunisienne, malgré la bouffée d'oxygène, apportée par l'exportation d'huile d'olive (900 millions d'euros en 2015, contre 200 en 2014). Pour faire face à cette impasse, la Tunisie a fait appel au Fonds monétaire international (FMI). Or, les experts économiques sont unanimes sur le fait que la solution FMI n'est jamais le meilleur recours. Mais, la Tunisie n'a pas le choix. Lors de son dernier passage, il y a 15 jours à Tunis, la présidente du FMI, Christine Lagarde, avait déjà attiré l'attention sur le fait que «le taux des charges de gestion de l'Etat en Tunisie/PIB sont parmi les plus élevés au monde». Elle ne savait pas encore que le gouvernement proposait près de 15% de cette enveloppe au chapitre social. Le ministre des Finances, Slim Chaker, a lui-aussi averti que «le gouvernement risque de payer les augmentations salariales proposées par des prêts», ce qui est loin d'être une bonne solution. «L'endettement doit servir à la reprise de l'économie, pas à la gestion de l'Etat», n'a-t-il cessé de souligner. Mais, les politiques insistent sur la paix sociale pour assurer la reprise économique. Or, cette paix sociale a un coût financier que le gouvernement de Habib Essid essaie, en vain, de réduire. Reprise socioéconomique difficile Neuf mois après le long processus électoral de fin 2014, des interrogations persistent quant à la capacité des institutions élues à faire sortir la Tunisie de sa crise socioéconomique. Comme quoi, il ne suffit pas de réussir la transition démocratique pour que la reprise socioéconomique se déclenche. Les attentes en rapport avec la lutte contre le chômage, la pauvreté et la marginalisation sont grandes. Or, les moyens manquent au gouvernement de Habib Essid pour y faire face avec la célérité requise. Pour le moment, les divers départements mettent en chantier les projets programmés par les gouvernements précédents, dont les crédits ont déjà été engagés. Une cinquantaine de grands projets (deux par gouvernorat) sont concernés par cette démarche dont le coût total s'élève à près de cinq milliards de dinars (2,5 milliards d'euros). Mais, si une telle approche peut être envisagée en 2015, les interrogations sont grandes pour les années à venir, en l'absence d'attrait pour le site Tunisie, surtout avec la montée du terrorisme. Raisons de la réconciliation économique Pour l'économiste en chef de l'UGTT, Sami Aouadi, «ce recours au FMI ne fait pas peur, malgré les tendances antisociales de cette instance financière internationale». Le professeur Aouadi explique son optimisme par le fait que «le président Béji Caïd Essebsi est parfaitement conscient que la reprise socioéconomique passe par la stabilité sociale, voire un pacte social. Or, cela à un prix que le gouvernement est prêt à payer». Reste la question des sources de financement de ce pacte social, pour ce syndicaliste, BCE a proposé la réconciliation économique. «Ce sont les hommes d'affaires corrompus, sous Ben Ali, qui paient le coût de la reprise économique», explique-t-il. Bien qu'il ne soit pas un pro-Essebsi, il s'interroge si la Tunisie a un autre choix. «Il est vrai qu'une réforme fiscale est en cours et que des ajustements structurels sont nécessaires dans la gestion de l'Etat. Mais les retombées financières ne deviendraient tangibles qu'au bout de 2 à 3 ans, alors que l'économie tunisienne a besoin soit d'austérité, soit d'un bol d'oxygène, sans conséquence sur l'endettement de l'Etat», poursuit-il. La Tunisie risque de continuer à ramer à contre-courant.