Le général Benhadid a été placé sous mandat de dépôt pour «outrage et appel à la désobéissance». Il a été finalement déféré par les gendarmes devant le tribunal de Sidi M'hamed près la cour d'Alger et non devant le tribunal militaire de Blida. Arrêté mercredi dernier sur l'autoroute, le général Benhadid a été entendu par les gendarmes, puis présenté au tribunal de Sidi M'hamed et non à la cour militaire, sur la base d'une plainte déposée par le ministère de la Défense nationale contre les propos tenus sur les ondes d'une radio qui émet sur le Net. Vers minuit passé, il a été placé sous mandat de dépôt pour «outrage et appel à la désobéissance». Un de ses deux avocats dénonce les conditions de son arrestation et la violation de la procédure. En garde à vue à Bab J'did L'affaire du général Benhadid se précise. Après l'opacité de son arrestation sur l'autoroute, l'un de ses avocats, Me Mechri, apporte des éclaircissements. Ainsi, contrairement à ce qui a été avancé, l'officier supérieur a été finalement déféré par les gendarmes devant le tribunal de Sidi M'hamed près la cour d'Alger, et non devant le tribunal militaire de Blida. Poursuivi pour «des propos portant atteinte à l'institution militaire et incitation à la rébellion», tenus à une radio qui émet sur le Net, le général Benhadid a été placé sous mandat de dépôt, très tard (minuit passé) dans la nuit de jeudi à vendredi, après un interrogatoire qui a duré plusieurs heures. Au-delà du fond de cette plainte que «je préfère débattre au prétoire», relève Me Mechri, les conditions dans lesquelles l'action en justice a été exécutée, notamment l'arrestation du général à la retraite et sa mise en détention, suscitent de «lourdes» interrogations qui méritent réponse. «Le général avait accompagné son fils au tribunal qui l'a convoqué pour l'affaire de l'arme de son père, récupérée sur lui. Après avoir été entendu, le fils a été placé sous mandat de dépôt après que le père ait été auditionné comme témoin. C'était mercredi dernier en milieu d'après- midi. En pleine autoroute sur son chemin du retour à la maison, il est intercepté par une escouade de la gendarmerie qui a arrêté son véhicule, puis demandé de les suivre à la brigade de recherche de Bab J'did, à Alger. Pourquoi agir ainsi, alors que le général ne faisait pas l'objet d'un mandat d'arrêt ou d'un mandat d'amener ? Une simple convocation aurait suffi pour le ramener afin de s'expliquer. Il n'était pas en situation de recherche pour lui tendre une embuscade sur l'autoroute. Cela s'apparente à un kidnapping», déclare Me Mechri. L'avocat soulève d'autres anomalies qui, selon lui, «entachent» la procédure. «Pour qu'une plainte soit enrôlée, il faut d'abord que le plaignant la confirme et soit entendu par le tribunal. Or, le ministère de la Défense, qui a actionné la justice, n'a pas confirmé sa plainte et à aucun moment il n'a été entendu. Dès qu'il a déposé plainte, le général a été ramené par les gendarmes, interrogé, présenté devant le parquet, puis placé sous mandat de dépôt par le juge d'instruction. Est-ce normal ? Le ministère de la Défense a le droit d'engager toute poursuite s'il estime nécessaire ou s'il juge qu'une personne l'a diffamé, injurié ou appelé à la rébellion, mais que l'action se fasse dans le respect de la procédure. La police judiciaire a agi en violation du code de procédure pénale. L'enquête préliminaire n'a pas respecté la forme. Les perquisitions ont été effectuées en l'absence du mis en cause, alors que la loi l'interdit… Pourquoi de telles violations ?» déclare Me Mechri. Il note cependant que lors de sa garde à vue au niveau de la brigade de gendarmerie de Bab J'did, le général Benhadid a eu l'autorisation de recevoir sa famille «qui lui a remis ses médicaments et ses effets vestimentaires, avant qu'il ne soit présenté devant le tribunal de Sidi M'hamed». Refus du permis de communiquer Par ailleurs, l'avocat se déclare étonné du refus du permis de communiquer après la mise sous mandat de dépôt de son mandant. «Nous espérions que ce permis soit signé juste après la mise sous mandat de dépôt, pour pouvoir rendre visite au mis en cause dès samedi (aujourd'hui) et engager la procédure d'appel contre la détention provisoire dans les délais. Mais le juge nous a demandé de revenir dimanche (demain). Le prévenu à plus de 70 ans, il traîne une lourde maladie qui l'handicape physiquement. Dans tous les systèmes de droit qui se respectent, les justiciables de plus de 65 ans sont poursuivis en dehors de la prison, en raison de leur âge et de leur état de santé… Le général a non seulement plus de 70 ans, mais présente toutes les garanties pour se conformer aux décisions de la justice et d'être à sa disposition à chaque fois que cela est nécessaire. Pourquoi donc le placer en détention et prendre le risque que sa santé se détériore ?» souligne Me Mechri. En tout état de cause, la mise en détention du général à la retraite pour des propos qu'il a tenus est un grave précédent qui vient contredire toutes les déclarations du ministre de la Justice, Tayeb Louh, tenues quelques jours seulement avant que le général Benhadid ne soit arrêté. Le ministre avait longuement plaidé le respect de la présomption d'innocence et des libertés individuelles souvent foulé aux pieds par des magistrats vulnérables aux pressions et intimidations du pouvoir exécutif. Visiblement, «les mentalités» que le ministre a dénoncées mardi dernier devant un parterre de journalistes, magistrats et responsables de la police judiciaire et sommées «de changer» ont encore du chemin à faire et ne risquent pas de disparaître de sitôt. Les violations de la procédure de détention rappellent étrangement celles qui ont entaché l'instruction de l'affaire du général Hassan, ancien responsable du Service de coopération opérationnelle et de renseignement antiterroriste (Scorat) dépendant du DRS, qui entame son deuxième mois de détention à la prison militaire de Blida.