Les dysfonctionnements organisationnels ont les conséquences les plus fâcheuses sur le moral et les comportements des citoyens. Les autres activités managériales sont invisibles au commun des mortels. Si une entreprise n'a pas de planification stratégique -flexible ou rigide- le citoyen moyen ne s'en apercevrait même pas. Si une administration n'a pas diffusé un système de valeurs, les individus qui utilisent ses services ne s'en rendraient même pas compte. Mais des dysfonctionnements graves affectent directement leur mode de vie et le ressentiment des contribuables est grand envers des personnes censées travailler pour lui faciliter la tâche, mais qui développent des normes de comportements qui lui sont incompréhensibles. D'où l'importance qu'il faille accorder à cette activité. Non pas que les autres activités managériales (stratégie, développement humain, processus de contrôle, etc.) sont de moindres conséquences ! Mais nos entreprises et nos institutions publiques ont intérêt à améliorer les modes d'organisation à interface avec les citoyens, puis entreprendre un plan de modernisation managériale par la suite. Il n'est pas question ici de faire un diagnostic organisationnel technique standard. Il faut beaucoup de temps et utiliser des outils parfois complexes. Nous allons plutôt donner des flashs très simples pour qu'un non-spécialiste puisse identifier facilement des défaillances organisationnelles et y remédier, au moins, partiellement. Les entreprises économiques autant que les institutions publiques ou privées à but non lucratif sont concernées. Aujourd'hui, plus de 90% des bonnes pratiques managériales se retrouvent en action aussi bien dans une entreprise agroalimentaire, de textile, de mécanique que dans un hôpital, une banque, une université ou une association d'aide aux enfants cancéreux. Les principes du business management, non transférables à d'autres institutions, deviennent de plus en plus rares. Mais cet aspect existe. Problématique d'ensemble On a tendance à sous-estimer les problèmes organisationnels. Ils sont souvent mortels pour une institution. Les dysfonctionnements tentent de se reproduire et distiller petit à petit une «culture organisationnelle» en totale rupture avec les missions pour lesquelles ont été créées ces institutions. Dans les pays sous-développés, une université est gérée pour les besoins des décideurs, des employés et très peu au profit des intérêts des étudiants. De même qu'un hôpital est structuré pour les besoins des autorités de tutelle, de ses employés et très peu pour les malades. Bien sûr que les responsables et les employés jureraient par tout ce qu'ils ont de plus cher que ce n'est pas le cas. Mais lorsqu'on analyse les horaires, les procédures (souvent inventés sans réflexion organisationnelle) et les pratiques, on s'aperçoit que ces institutions et bien d'autres dévient fortement de leur mission. Le premier signe, pourtant facile à identifier, d'un dysfonctionnement organisationnel est très souvent un mécontentement de la majorité des utilisateurs. Mais comme on ne mesure pas les taux de satisfaction, soit on n'est pas au courant des dissatisfactions, soit on les traite comme des exceptions auxquelles il convient d'accorder peu d'attention. Un second signe consiste à ce que le responsable intervienne fréquemment pour que le minimum de travail se fasse normalement. Les choses ne se déroulent pas d'une manière fluide et pas sans fréquentes injonctions des chefs. En management on explique, à juste titre, que le meilleur manager est celui qui se rend inutile : il recrute les meilleurs, les forme, les responsabilise, met en place les indicateurs et le travail se déroule le plus normalement du monde sans sa présence. Celui qui stipule que lorsqu'il est absent tout va de travers est forcément un mauvais manager. Un troisième signe de mauvaise organisation survient lorsqu'on constate que rien ne change, qu'on effectue le travail de la même manière aujourd'hui comme dix ans auparavant. Aucun employé n'a proposé de faire les choses mieux et autrement, aucune évaluation périodique du mode de fonctionnement et aucune décision d'améliorer les processus de travail ne surviennent. A ce moment-là, il faut s'inquiéter des performances de son organisation. Par ailleurs, lorsqu'un dysfonctionnement intervient, on n'identifie pas tout de suite et en fonction des processus formels le ou les responsables de cette situation. Mais alors où est la faille ? Nous pouvons continuer à citer à profusion les signes des dysfonctionnements organisationnels. Mais nous allons évoquer la plus importante et la plus répandue : la source dont dérive la vaste majorité des maux organisationnels : l'absence de procédures écrites et actualisées ainsi que d'indicateurs de responsabilité des personnes et des structures. L'absence de procédures connues et contrôlées induit toujours des insatisfactions et des dysfonctionnements. Prenez l'exemple de l'investissement : aucune procédure officielle contrôlée et renforcée n'existe. Lorsqu'un investisseur interpellait le Calpiref, sa demande peut faire l'objet d'une réponse en un mois ou en plusieurs années. Tout est laissé à la seule volonté des autorités administratives. Ceci multiplie deux choses : les dysfonctionnements et la corruption. L'absence de procédures contrôlées est l'un des maux les plus flagrants des modes de fonctionnement de nos institutions. Le second signe et de loin le plus important concerne l'absence d'indicateurs de performance. On croit à tort que les administrations sont immunisées des indicateurs de performance, ils ne sont pas des entreprises, dit-on. Le plus souvent, l'organisation se limite à des organigrammes rudimentaires parfois complétés de fiches de postes inspirés en grande partie de ceux formalisés dans les années quatre-vingt. Il manque de nombreux outils à nos administrations. Mais le plus clair demeure les indicateurs de performance. Par exemple, tant que les wilayas ne seront pas dotées d'indicateurs fiables et mesurables, la performance va dépendre de la bonne volonté du wali. Les performances acceptables seront rares. Mais si chaque année on classait les wilayas par ordre de mérite, en fonction d'indicateurs spécifiques (investissement, chômage, taux de réussite aux examens, taux de mortalité infantile, etc.) on aurait un début de solution. Bien sûr, il faut alors leur donner l'autorité et les moyens d'obtenir des résultats satisfaisants. L'autorité doit être équivalente à la responsabilité. Le même schéma sera valable pour les directeurs de wilaya, les chefs de daïra, les directeurs des hôpitaux, les recteurs des universités, etc. Nous aurions alors mis en place l'ABC d'un processus qui ira en s'approfondissant pour améliorer l'efficacité de nos institutions. Sans ce minimum organisationnel, on aura beau essayer, faire des réunions, transmettre des circulaires, sensibiliser les responsables, rien ne changera : nos institutions continueront toujours à consommer beaucoup de ressources et produire des performances dérisoires.