A chaque veille de ramadhan, c'est le branle-bas de combat dans toute la ville. Les routes et les rues constantinoises sont pleines comme un œuf, parce que n'importe qui achète n'importe quoi, enfin presque. Subitement, les habitants du Vieux-rocher se découvrent des dons d'amateurs de… courgettes qui se voient pousser des ailes pour atteindre des pics insoupçonnables les autres mois de l'année. La pomme de terre, de son côté, redevient la star des marchés, en l'absence de la tomate et des piments forts qui ont adopté un profil bas avec des prix à la portée des bourses moyennes. Bref, c'est la cohue partout, même dans les banques et les CCP où tout un chacun s'en va racler les fonds de compte pour aborder le mois sacré comme il s'entend. Tout cela pour découvrir toutes ces personnes, dès le premier jour du ramadhan, dans un état second, des zombies complètement déconnectés des réalités quotidiennes, l'estomac et le cerveau dans les talons, avec comme ultime échéance l'appel à la prière et à la bombance. Et toutes les promesses d'un Ramadhan consacré à la prière et à la piété disparaissent au fil des jours, supplantées par des colères envers tout et tous, des bagarres à tous les coins de rues. Ces mêmes rues sont transformées en un immense marché à ciel ouvert où beaucoup s'improvisent en commerçants émérites. Même les négoces légaux changent d'activité à l'occasion du mois sacré. Un cordonnier se découvrira des dons de z'labdji, un autre qui vendait des vêtements se reconvertira en un marchand de boureks et les exemples sont légion. Le mois de jeûne ne comprenant que 30 jours au maximum, pour des raisons purement lunaires, la plupart des commerçants, pour toucher le jackpot, se transformeront en vampires qui suceront le sang des zombies d'en face jusqu'à la dernière goutte, des zombies amorphes, qui bouffent « avec les yeux » et qui ne découvriront les dégâts de leur boulimie qu'à la fin du mois de Ramadhan.