Le président yéménite sortant, le général Ali Abdallah Salah, promu maréchal en 1997, vient de succéder à lui-même pour un nouveau mandat de sept ans avec un score digne des systèmes autocratiques : 80% des voix selon les résultats préliminaires de la commission électorale. L'opposition, regroupée autour d'une coalition de 5 partis, dont le Parti socialiste yéménite au pouvoir dans la partie sud avant la réunification du pays en 1990 et le parti islamiste Al Islah, crie à la fraude. Les résultats officiels créditent le candidat de l'opposition du Forum commun, Fayçal Ben Chamlane, ancien ministre du Pétrole et ancien député, de 20% des voix. A la suite de la proclamation des résultats partiels, l'opposition n'a pas écarté l'éventualité d'appeler ses partisans à descendre dans la rue pour protester contre ce qu'elle qualifie de parodie électorale, tout en menaçant, au besoin, de recourir à l'arbitrage des experts de l'ONU. Et pourtant, les élections générales au Yémen — présidentielle et municipales — se sont déroulées comme les précédentes, celles de 1999 entre autres, en présence des observateurs internationaux, qui semblent cette fois-ci également, à bien décrypter leur silence, n'avoir rien relevé qui ne soit pas en conformité avec les usages démocratiques. Comme les autres régimes arabes, le régime yéménite bénéficie, lui aussi, manifestement de la bienveillance des capitales occidentales et principalement du soutien actif des Américains. Depuis les attentats du 11 septembre, le président Abdallah Salah ne cesse de multiplier les gestes de bonne volonté à l'adresse de Washington en s'impliquant de façon résolue dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. A cela s'ajoute le nouveau climat des investissements et des affaires qui ne laisse pas indifférent. Et au plan géostratégie, la position de carrefour du Yémen dans une vaste région, enjeu et objet de toutes les convoitises entre les grandes puissances. Bien qu'ayant été converti sur le tard à une certaine forme de démocratie aux couleurs locales sous la pression internationale, à l'instar d'autres dirigeants arabes, le président Ali Abdallah Salah, aux commandes du pays depuis plus d'un quart de siècle, n'a pas cédé une once de ses pouvoirs présidentiels absolus. L'ouverture démocratique amorcée au début des années 1990, après la réunification du pays, qui avait fait naître de grands espoirs de changements dans le pays, en permettant l'émergence de partis politiques et d'une presse privée, n'aura été qu'un écran de fumée derrière lequel le pouvoir œuvrait pour consolider les fondements et la pérennité du système. Le taux élevé d'analphabétisme de la société et son caractère tribal ont certainement grandement contribué au « plébiscite » de Ali Abdallah Salah. Lors des dernières élections législatives, l'homme fort du Yémen avait fait sensation en déclarant qu'il ne voulait pas d'une démocratie de 99%. En se faisant élire avec 80% des voix, il aura tenu ses promesses.