Des déclarations de l'ambassadeur US déplorant l'arrêt du processus démocratique dans ce pays ont provoqué la colère d'officiels yéménites, qui y voient une ingérence américaine. Alors que les relations américano-yéménites semblaient au beau fixe, voilà que les rapports entre les deux pays connaissent une subite détérioration à la suite de l'appréciation faite par le représentant diplomatique US, Thomas Krajeski, sur les libertés dans ce pays. L'ambassadeur des Etats-Unis à Sanaâ a regretté que le jeu démocratique ne soit plus respecté par les dirigeants yéménites ces derniers temps. Cette sortie médiatique intervient au moment où le régime du président Ali Abdallah Salah a sérieusement restreint le droit de l'opposition à travers une série de mesures consistant en la fermeture de plusieurs journaux et de l'emprisonnement de journalistes. Confronté ces dernières années à une poussée des fondamentalistes religieux, notamment les partisans du rebelle islamiste Al Houthi, le gouvernement yéménite n'a pas hésité à recourir à l'usage de la force pour étouffer cette insurrection. En parallèle, l'opposition a été muselée à travers l'empêchement des manifestations publiques de protestation contre le régime en place depuis maintenant trois décennies. Les déclarations de l'ambassadeur de Washington ont été très mal accueillies par la sphère du pouvoir local. Bien que prenant le soin de ne pas réagir officiellement, des proches du chef de l'Etat yéménite ne se sont pas empêchés de réagir sous le couvert de l'anonymat. L'un d'entre eux a affirmé que son pays n'était pas “intéressé par une démocratie comme celle instaurée par les forces d'occupation en Irak”. Il a également dénié aux Etats-Unis le droit de “s'ingérer dans les affaires intérieures du Yémen, qui demeure un pays indépendant n'ayant pas de relations de démocratie à recevoir de quiconque”. Ces réactions officieuses trouvent leurs explications dans le souci de Ali Abdallah Salah de ne pas envenimer ses relations avec les Etats-Unis. Bénéficiant de la protection américaine, le président yéménite s'est toujours plié jusque-là aux instructions provenant de la Maison-Blanche pour pérenniser son règne. Sa collaboration sans limites avec les services US dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, comme ce fut le cas après l'attaque d'Al Qaïda contre le navire USS Cole qui mouillait aux larges des côtes de Aden, témoigne de son alignement sur Washington. Néanmoins, des observateurs lui prêtent l'intention de vouloir laisser une image forte auprès de son peuple après avoir quitté le pouvoir. Cette éventualité serait proche, s'il ne renonce pas à sa décision de ne pas postuler à un autre mandat présidentiel après vingt-sept ans à la tête du Yémen, comme il l'a annoncé l'été dernier. Depuis cette date, Ali Abdallah Salah fait l'objet d'une terrible pression de certains cercles du parti au pouvoir le harcelant d'être à nouveau candidat. En attendant, il ne fait aucun doute que les déclarations de l'ambassadeur américain entrent dans le cadre de la politique de l'Administration Bush qui appelle clairement à l'instauration de régimes réellement démocratiques dans la région. K. ABDELKAMEL