Comment vous est venue l'idée d'organiser les Journées de philosophie d'Alger ? Au départ, j'étais professeur de philosophie, j'ai quitté l'enseignement et du coup la philosophie me manquait terriblement. Même si j'écris encore dans la discipline, j'avais besoin du contact avec le public, discuter, échanger avec les Algériens et recréer un petit peu ma classe. Est-ce facile d'organiser un événement consacré à la philo ? Non, et c'est parce que la philo n'a pas sa place dans la société algérienne que j'ai décidé d'organiser ces journées. Le terme philosophie lui-même fait peur. J'ai envie d'ôter ce tabou et de présenter la philosophie comme quelque chose d'utile et nécessaire. La philo est capitale, car elle doit répondre aux questionnements de l'individu. Nous sommes dans une époque où on ne peut pas se passer des analyses de ces penseurs. Il faut d'abord que le terme philosophie soit présent pour décomplexer les gens et ensuite revenir à la pensée, à l'esprit critique et à l'art d'argumenter. Au départ, la culture musulmane s'est beaucoup intéressée à la philosophie et nous a transmis un héritage très intéressant. Nous avons dans la pensée musulmane des penseurs et des philosophes de très haut niveau comme Ibn Sina, El Farabi, Ibn Rochd, El Ghazali est bien d'autres, même si nous ne sommes pas toujours d'accord avec tout ce qu'ils disent. Mais évidemment après il y a eu un courant qui a dit «stop» parce qu'il a eu peur de l'esprit critique. Et l'absence de cet esprit-là a fait du tort à l'islam lui-même. Existe-t-il des travaux de recherche et des efforts de pensées de valeur ? Dans notre pays, la philosophie est absente. Elle n'existe pas. Dans notre culture, même si on veut parler d'un philosophe, on dit penseur. Pour éviter le terme philosophe. Et moi, je veux que le mot trouve sa place, qu'on l'utilise. Je veux casser un peu ce tabou qui est un complexe historique et culturel. Et c'est ancré en nous.