Le tribunal de Bir Mourad Raïs, près la cour d'Alger, a renvoyé l'affaire de détournement de plus de 12 milliards de dinars (1200 milliards de centimes) de la Banque du développement rural (Badr) au 2 novembre prochain. Jeudi dernier, dans une salle bondée de monde, sous une chaleur suffoquante, le procès avait été ouvert dès 10 h. La défense du principal prévenu, le patron de Dgimex, auteur présumé du détournement de fonds, a fait savoir au tribunal le début du règlement du contentieux avec la Badr, afin d'honorer sa dette de près de 12 milliards de dinars. Les avocats ont, de ce fait, demandé au tribunal d'établir un éventuel échéancier au cas où le patron de Dgimex arriverait à rembourser la somme détournée. Cinq témoins ont marqué de leur présence cette audience. Parmi eux, l'inspecteur financier de la Badr et l'expert désigné par la justice pour évaluer le préjudice. Après une longue bataille juridique entre la présidente de l'audience et la défense sur la nécessité du témoignage de ces deux personnages « clés » dans cette affaire, le tribunal a accepté de renvoyer le procès au 2 novembre prochain, afin de les convoquer par courrier officiel. Ce scandale concerne, selon l'expertise financière, le détournement de près de 12 milliards de dinars, effectué sous forme de crédits accordés par l'agence Badr de Birkhadem au groupe Dgimex. Vingt-cinq personnes ont été inculpées dans cette affaire pour dilapidation de deniers publics, escroquerie et faux et usage de faux parmi lesquelles, 9 sont en détention préventive, 14 sous contrôle judiciaire et 2 autres se trouvent en fuite. Eclaté vers la fin de 2005, le scandale qui a éclaboussé les dirigeants de la Badr a fait couler beaucoup d'encre et levé le voile sur de graves défaillances au niveau de la gestion des octrois des crédits au sein de l'une des banques publiques les plus importantes. Un opérateur privé, patron des sociétés Dgimex, Novo Grain et Novo Traiding et une dizaine d'autres, domiciliées à la banque privée ABC Bank, a réussi à vendre ses créances de l'ordre de 350 millions de dinars à la Badr (agence de Birkhadem). Et de 2002 jusqu'en 2005, le même opérateur a bénéficié de nombreuses traites jugées complaisantes par les enquêteurs, qu'ils soient des services de police, de l'inspection ou de l'expertise. Grâce à ses autres sociétés, une dizaine, il a escompté auprès de la Badr des traites impayées de montants colossaux. En fait, les comptes ouverts à l'ABC Bank n'auraient servi qu'aux opérations frauduleuses, puisqu'aucune opération commerciale n'aurait été engagée par les sociétés domiciliatrices. Le même patron aurait également bénéficié de crédits d'investissement et d'importation de plusieurs centaines de millions de dinars sans présenter des garanties à même de recouvrir les montants alloués. Très attendu, le procès de cette affaire devrait déterminer les responsabilités des uns et des autres, notamment parmi les cadres de la banque publique. Il faut reconnaître que la gestion des octrois de crédits au sein des institutions financières de l'Etat ne se fait pas sur la base de la solvabilité des clients, mais au gré des connaissances, des injonctions et des humeurs causant ainsi une véritable hémorragie des deniers de la collectivité. Toutes les banques publiques ont été éclaboussées ces dernières années par ces scandales en cascade, au point où les montants détournés ont fini par être banalisés et l'on ne compte plus les millions de dinars, mais les dizaines de milliards de dinars. Sans exception, les dirigeants de ces banques se sont succédé à la barre du tribunal criminel pour répondre soit de leur complaisance et à chaque fois, les vrais responsables sont épargnés. Peut-on espérer voir la vérité jaillir le 2 novembre prochain ?