Plus du cinquième de la richesse générée en 2005 n'a servi à rien. Il n'a été ni consommé ni investi. Cela représente 1630 milliards de dinars (22 milliards US$). Et la situation dure depuis cinq ans. » Ce constat dressé par l'économiste et ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, invité jeudi aux Débats d'El Watan, suggère (comprendre dans l'urgence) la mise en place d'une nouvelle politique économique en vue de transformer les ressources volatiles tirées du pétrole en croissance économique réelle et durable. Analysant l'état actuel de la balance des paiements, Ahmed Benbitour relève ainsi que l'Algérie est devenue exportatrice de richesses, de capitaux et même de ressources humaines. En parallèle, il soulignera qu'un taux d'épargne nationale aussi élevé que celui enregistré en 2005, soit 51,7%, signifie, tout simplement, une forte austérité imposée à la nation, l'épargne étant par définition une renonciation à la consommation. En clair, l'analyse faite par l'ancien chef de gouvernement quant à la gestion actuelle des ressources abondantes dont dispose le pays permet de rendre compte que les options de thésaurisation de l'argent du pétrole et les transferts de richesses vers l'étranger ont dangereusement pris le dessus sur les impératifs de développement. Avis aux contradicteurs ? Selon lui, en tous cas, cet état des lieux est d'autant plus alarmant qu'il peut conduire à terme à confisquer l'avenir des générations futures, les hydrocarbures n'étant qu'une ressource volatile. Le conférencier plaide, sans détour, en faveur d'une nouvelle politique économique, dont la mise en place devrait passer prioritairement par le règlement du problème politique. Il faut, à ses dires, implanter une qualité de gouvernance qui serait à même de mobiliser les ressources disponibles pour une croissance économique forte et durable. La liberté, a-t-il signifié au demeurant, ne constitue pas seulement un besoin, mais également « un instrument de développement ». Dans le même ordre d'idées, le professeur d'économie Hocine Benissad s'interroge sur ce qu'il y a lieu de faire de l'argent du pétrole, avant de répondre comme pour mieux rappeler une évidence à l'assistance : « Eh bien, il faut faire profiter la population en organisant le développement », a-t-il dit. Partant du contexte économique actuel, Hocine Benissad note que les programmes de soutien à la croissance stimulent l'usage accru des biens d'importation. Mais, selon lui, la nécessité va aujourd'hui à un véritable effort d'investissement productif, adossée à un climat d'affaires sain. Appelant ainsi à une politique de réindustrialisation du pays, le professeur d'économie et auteur de plusieurs ouvrages dira à cet effet que celle-ci correspondrait à une préparation véritable de l'après-pétrole. Le marché intérieur, a-t-il également plaidé, « doit rester le socle d'une croissance stable et soutenue et l'Etat doit combattre les monopoles ». Et à l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer, de mettre en avant la nécessité de tirer profit des possibilités de partenariat et d'interdépendance qui s'offrent aujourd'hui avec l'Europe à travers la donne stratégique que constitue le gaz.