La campagne pour la révision constitutionnelle est déjà lancée. Avant même de dévoiler le contenu de ce texte, dont l'élaboration a été maintes fois ajournée, les tenants du pouvoir et leurs proches entament sa promotion. Et pour ce faire, tous les arguments sont visiblement bons, y compris ceux qui contredisent toutes leurs affirmations sur lesquelles ils ont réussi à bâtir leur pouvoir depuis 1999. En effet, après avoir tenté de faire croire à l'opinion que «le pays est installé confortablement dans la démocratie», tous les défenseurs du pouvoir sans partage changent désormais de cap. Dans une tentative de faire passer ce projet de la révision de la Constitution en mal de consensus, ils tentent, depuis quelques mois, de séduire l'opposition. Pour cela, ils donnent l'impression d'avoir reconnu leurs erreurs qui ont mené le pays à l'impasse politique actuelle. Mais l'ambivalence de leur discours trahit leurs intentions. Et pour cause, ceux qui soutenaient mordicus, pendant plus de quinze ans, que le pays «est une vraie démocratie», affirment aujourd'hui le contraire. Un à un, ils se livrent à une série d'aveux étonnants : fin de l'ère «des élections à la Naegelen», «Etat civil», «respect des droits de l'opposition»… Les multiples déclarations laissent l'opinion publique nationale désorientée. Après avoir passé sous silence et même encouragé la violation des principes constitutionnels garantissant le libre exercice de la politique, le pouvoir et ses soutiens se mettent désormais dans une nouvelle posture : se montrer «outrés» par leurs propres pratiques ou celles qu'ils ont encouragées. La dernière sortie du président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini, illustre parfaitement cette situation. Ayant affirmé, en 2012, que l'Algérie «avait définitivement pris le virage de la démocratie», le président de la CNCPPDH soutient tout à fait le contraire aujourd'hui. S'exprimant, hier matin, sur les ondes de la Radio nationale, il reconnaît que «la démocratie qu'on a voulu vendre aux Algériens» n'était finalement «qu'une démocratie de façade». «On ne peut se contenter d'une démocratie de façade qui n'existe que dans les textes», a-t-il lancé. Simple tentative de diversion ? Farouk Ksentini déclare aussi que «l'opposition représente une nécessité pour le pays» et c'est «l'essence même de la démocratie», tout en soulignant qu'un Etat de droit ne peut être qu'un Etat civil. Commentant le contenu du dernier message du président Bouteflika concernant la révision constitutionnelle, le premier responsable de la CNCPPDH plaide également pour le respect de l'indépendance de la justice et pour que le magistrat ne soit plus influencé par le pouvoir exécutif, mais applique la loi en toute conscience, avertissant que «dès lors que la justice se soumet à l'Exécutif, les choses sont faussées». «Il y a encore des lacunes à combler et nous manquons d'une justice de qualité, notamment des magistrats formés, dotés d'une indépendance d'esprit et d'une honnêteté intellectuelle», dit-il. Farouk Ksentini reconnaît également que «le moment est venu pour que l'alternance s'opère», tout en affirmant qu'«il est temps pour l'ancienne génération de partir, personne n'est éternel, c'est une évidence». En 2012, Farouk Ksentini affirmait le contraire de ce qu'il dit aujourd'hui. «Les réformes politiques et les nouvelles lois et dispositions (adoptées) en Algérie font que le pays a pris, à mon sens, d'une manière irréversible, le virage définitif de la démocratie», disait-il. Selon lui, l'Algérie «est en voie de devenir un Etat démocratique dans toute l'acception du terme». Que s'est-il passé pour que Farouk Ksentini, Amar Saadani et les autres changent de discours ? Sont-ils chargés de la mission de détourner l'attention de l'opposition et de l'opinion sur les véritables intentions du régime ? Tout porte à le croire…