L'annonce des conclusions de l'étude de faisabilité établissant comme rentable le gazoduc Nigeria-Europe via l'Algérie est incontestablement une bonne nouvelle. De quoi s'agit-il ? De construire pour près de 10 milliards de dollars le plus long gazoduc continental en Afrique pour acheminer à partir de 2014-2015 sur 4500 km — dont 2000 sur le territoire algérien — de 18 à 25 millions de m3 de gaz naturel des champs du sud du Nigeria au marché européen par sa porte d'entrée espagnole. Il pouvait exister des doutes sur la consistance du projet. Non pas que le débouché européen soit incertain, la croissance de la consommation de gaz naturel sur le vieux continent est promise à une vigueur durable, la plus forte de toutes les énergies primaires. Les incertitudes sur les fournitures russes de Gazprom à l'Europe sont venues depuis le lancement du projet du gazoduc Nigeria-Algérie-Espagne conforter le besoin européen de développer au plus vite de nouvelles sources d'approvisionnement. Non, le doute était lié au sempiternel « pessimisme africain ». Car voilà un projet colossal qui lie quatre pays africains — le gazoduc traverse le Niger et dessert le Burkina Faso voisin — dans une gigantesque entreprise totalement inédite de ce côté-ci de la planète. L'alternative était toute prête : la construction d'un immense terminal de GNL sur la côte nigériane pour un mode — par méthanier — d'exportation de ce gaz « plus libre » et plus protégée des impondérables de la traversée de la région du Sahel. La rentabilité économique avérée du gazoduc Nigeria-Algérie-Espagne donne une fabuleuse chance à l'intégration économique continentale. Sur le tracé du gazoduc, une ligne de télécommunication à fibres optiques. Mais aussi sans doute un coup d'accélérateur à la réalisation totale de la route transaharienne sur son axe est via le Niger. La desserte en gaz naturel du Nord-Nigeria offre — ce n'est qui n'est pas le moindre de ses avantages — une opportunité très forte d'intégration pour ce pays de 120 millions d'habitants toujours en butte à de grandes difficultés de cohésion nationale, entre autres, à cause de l'accès très inégal à la richesse des hydrocarbures, disponibles pour l'essentiel au sud dans le delta du fleuve Niger. Pour l'Algérie, qui compte exporter plus de 100 milliards de m3 de gaz naturel — essentiellement vers l'Europe — à l'horizon 2020, le transit par son territoire de 20 milliards de m3 supplémentaires en fait la plateforme majeure de l'approvisionnement de l'Europe en gaz naturel hors Russie. Le gazoduc venant du Nigeria augmente les disponibilités de ce produit énergétique au Maghreb et règle un souci d'approvisionnement pour des pays comme le Maroc et la Tunisie qui entame, pour le premier, et accélère, pour le second, d'ambitieux plans de passage au gaz naturel dans leurs balances énergétiques intérieures. Le gazoduc venant du Nigeria est donc économiquement « faisable ». Il faudra lui donner une substance capitalistique. Un tour de table d'actionnaires prêts à engager ce pari aussi cher qu'étendu sur le terrain. Sonatrach en sera bien sûr. Toute la question est de savoir à quelle hauteur. C'est la politique de l'engagement à l'international de la grande compagnie algérienne qui est ici interrogée. A Camisea, au très lointain Pérou, Sonatrach s'est engagée pour 21% dans la réalisation et l'exploitation d'un gazoduc et d'un pipe pour GPL et condensat de 715 km vers la côte Pacifique. Cela situe-t-il symboliquement le plancher en dessous duquel Sonatrach ne peut pas descendre dans cette grande affaire de l'acheminement du gaz nigérian à travers l'Algérie ?