Les cimetières sont devenus des lieux de beuverie, de vente de drogue et même de sorcellerie. Nos morts sont-ils condamnés, même dans leur repos éternel, à subir les outrances des vivants ? Le constat dans la plupart des cimetières de la capitale est affligeant. Des tombes en ruine, envahies par les mauvaises herbes, les ordures qui croupissent dans les moindres recoins, les grillages rouillés, les plaques en marbre cassées ou ensevelies. A El Kettar, Garidi, Ben Omar, Sidi Yahia ou encore à Faïzi, le constat est pratiquement le même. Dégradation, actes de vandalisme et insalubrité sont les caractéristiques communes à tous ces lieux de sépulture. Le pire, c'est que ces lieux sacrés sont fréquentés par des personnes sans scrupules. Ils viennent déranger la quiétude des morts en s'adonnant à la consommation de drogue et d'alcool. Certains cimetières sont devenus des lieux où l'on fait couler à flots de la bière entre amis, où l'on fume également des joints, loin des yeux indiscrets. La dépravation a atteint son paroxysme, notamment au cimetière d'El Kettar, où des dealers vendent de la drogue. Ils s'installent dans les portions du cimetière qui sont les moins visibles et attendent les potentiels clients. La sacralité du lieu ne les détourne pas de leur activité lucrative. L'important est de gagner de l'argent, quitte à faire abstraction de ce qui les entoure. «Ces jeunes sont sans foi ni loi. Ils écoulent leur poison dans le cimetière, sans aucun respect pour les défunts. Où sont les autorités locales et les services de sécurité pour mettre un terme à cette situation», s'interroge un voisin du cimetière. Outre la vente de drogue, des cimetières sont devenus des lieux de rencontre entre couples. A El Kettar, il n'est pas rare de trouver sous les buissons ou entre les touffes d'herbe des couples, «ces jeunes sont dépourvus de conscience. J'en trouve pratiquement tous les jours. Ni la sacralité du lieu ni l'appréhension que le cimetière dégage ne les dissuade de leurs actes», confie un fossoyeur. Par ailleurs, nombre de cimetières de la capitale sont fréquentés par un genre de visiteurs particuliers, les sorciers. En l'absence de gardiens, ces énergumènes s'adonnent à des rites de sorcellerie dans les cimetières. «Durant toute ma carrière, j'ai vu piocher des tombes par des femmes pour enfouir des talismans. Elles recherchent de préférence des tombes oubliées et sans plaque tombale. Le phénomène a pris des proportions alarmantes. Il ne se passe pas un jour sans que j'en voit une», raconte un gardien du cimetière de Baraki. «Les autorités locales doivent renforcer non seulement le gardiennage, mais également le travail d'entretien. Les cimetières doivent retrouver une propreté exemplaire. Les herbes folles et les détritus doivent être constamment ramassés», ajoute-t-il. Les défunts ont un droit sacré sur les vivants. Celui du respect de leur sépulture et de leur repos éternel.