Le Parlement de la région autonome de Catalogne, «détenteur de la souveraineté», ne s'estime désormais plus «tributaire des décisions des institutions espagnoles, en particulier de celles de la Cour constitutionnelle». La monarchie espagnole était, hier, en état d'alerte maximale, après l'adoption, en milieu de journée, par le Parlement catalan, d'une résolution déclarant le début de la rupture de la Catalogne avec l'Espagne et le lancement d'un processus devant aboutir à la création, en 2017, d'une République indépendante. La résolution en question, adoubée par la coalition indépendantiste Junts pel Si (Ensemble pour le oui), a reçu le soutien de 72 députés sur les 135 que compte le Parlement de cette région autonome de 7,5 millions d'habitants, située dans le nord-est de la péninsule Ibérique. Aussitôt le résultat du vote connu, le chef du gouvernement conservateur espagnol, Mariano Rajoy, a annoncé qu'il allait présenter un recours en urgence devant la Cour constitutionnelle pour invalider la résolution indépendantiste. «Je solliciterai la suspension immédiate de cette initiative et de tous ses effets», a fait savoir M. Rajoy, précisant avoir convoqué pour demain un Conseil des ministres extraordinaire. Il est vrai que la nouvelle a provoqué en Espagne un séisme politique d'une magnitude rarement égalée. L'actuel Parlement catalan est, rappelle-t-on, issu d'un scrutin organisé le 27 septembre dernier, centré sur la question de la sécession. Ces élections ont été remportées par les indépendantistes qui ont gagné une majorité des sièges, sans pour autant obtenir la majorité absolue des voix. Les séparatistes estiment, toutefois, disposer d'un soutien suffisant pour lancer le processus d'indépendance. Et c'est justement tout le sens de la résolution adoptée hier. «J'ai l'honneur et la responsabilité de défendre la proposition de résolution par laquelle nous lançons solennellement la construction d'un nouvel Etat, un Etat catalan, une République catalane», avait plaidé auparavant Raul Romeva, tête de liste de la coalition indépendantiste Junts pel Si. Administration fiscale indépendante Aussi, aussitôt l'annonce de la «rupture» faite, le Parlement catalan a indiqué qu'il n'était désormais plus «tributaire des décisions des institutions espagnoles, en particulier de celles de la Cour constitutionnelle». En clair, cela veut dire que les Catalans s'opposeront à un éventuel rejet par la Cour constitutionnelle de leur déclaration d'indépendance, qui prévoit aussi le lancement de travaux parlementaires pour mettre en place une administration fiscale indépendante et une sécurité sociale. Une indépendance de la Catalogne, région représentant 20% du PIB de l'Espagne, pourrait s'avérer ruineuse pour l'économie espagnole, qui est déjà gravement touchée par la crise. Le vote d'hier intervient après des années de tensions croissantes entre l'Exécutif du président catalan sortant, Artur Mas, et le gouvernement central. Le premier réclamait sans succès un référendum d'autodétermination. Le 9 novembre 2014, Artur Mas, nationaliste devenu séparatiste, avait déjà passé outre un interdit de la cour, organisant une consultation symbolique mais interdite, où 1,9 million de personnes s'étaient prononcées pour l'indépendance. Le vote d'hier a également lieu à moins de deux mois des législatives du 20 décembre en Espagne, où la «question catalane» domine déjà le débat. Mariano Rajoy, dont le Parti populaire (PP, droite) est en perte de vitesse, talonné par Ciudadanos (centre droit) et le Parti socialiste (PSOE), a obtenu leur soutien sur le terrain de la défense de l'unité de l'Espagne. A six semaines des élections, chacun de ces partis avance cependant sa solution : Ciudadanos une réforme des institutions, le Parti socialiste un dialogue et davantage de fédéralisme et Podemos, antilibéral, l'organisation d'un référendum. Comme on peut aisément le voir, la Catalogne a déjà mis l'Espagne dos au mur, puisque tout le monde parle de la nécessité de réformer.