L'opération dite de mise en conformité fiscale volontaire bat de l'aile à peine trois mois après son lancement. Même si les autorités continuent à afficher de l'optimisme, le maigre bilan de l'opération enregistré jusqu'ici révèle toute la difficulté à capter les fonds concernés. Les détenteurs de capitaux informels ne se bousculent pas au portillon des banques publiques, trois mois après le lancement de l'opération dite de mise en conformité fiscale volontaire. Depuis la mi-août, les établissements bancaires étatiques ont collecté moins de 3,5 milliards de dinars sur un total de 1000 à 1300 milliards de dinars de fonds informels échappant au circuit bancaire. L'Exécutif vient d'essuyer un camouflet. «Toutes banques confondues, nous avons pu mobiliser 3 à 3,5 milliards de dinars. L'opération a été lancée en août et nous sommes en novembre, je pense qu'il est trop tôt pour faire un bilan, parce que l'opération va durer jusqu'à décembre 2016. On peut parler de gain de confiance. Nous sommes dans une phase et un travail de sensibilisation pour susciter un intérêt» auprès des détenteurs de capitaux informels, a affirmé, hier, Krim Mohamed, président-directeur général de la Banque de développement local (BDL), invité au forum du quotidien El Moudjahid. Ce responsable a ajouté que cette opération, présentée par certains comme un processus de blanchiment d'argent qui ne dit pas son nom, vise à drainer les capitaux illicites qui devraient permettre aux banques de financer l'économie nationale. Omar Boudiab, PDG du Crédit populaire d'Algérie (CPA), a évoqué, quant à lui, le sentiment d'appréhension chez les détenteurs des fonds circulant dans le secteur informel qui hésitent à faire le pas. Selon lui, les banques publiques ont déjà entrepris diverses démarches de «sensibilisation» qui demeurent un «travail de longue haleine». Dans l'espoir de convaincre les acteurs les plus réticents des circuits illicites de l'économie, on annonce le lancement de produits bancaires alternatifs (sans intérêt) au profit des acteurs ayant déposé leurs fonds informels auprès des banques. Confronté à la baisse des recettes pétrolières, le gouvernement a lancé, en août dernier, le processus de bancarisation de fonds illicites qui prospèrent sous d'autres cieux, afin de diversifier les sources de financement extrabudgétaires. Institué dans la loi de finances complémentaire 2015, ce dispositif prévoit l'intégration de l'argent informel dans la sphère bancaire, moyennant une taxation forfaitaire libératoire au taux de 7%. La date limite de ce dispositif a été fixée au 31 décembre 2016. Les fonds informels représentent 26% du total de la masse monétaire, d'après les chiffres de la Banque d'Algérie. Pour le PDG de la BDL, l'objectif fixé par les établissements bancaires consiste à drainer au moins 10 à 15% des capitaux informels. Interrogé sur le retour du crédit à la consommation, après sa suspension depuis 2009, le premier responsable de la BDL a fait savoir que les établissements bancaires sont prêts pour prendre en charge le traitement des demandes de crédit. Les banques publiques attendent la liste des produits éligibles à ce dispositif, actuellement en cours d'élaboration au niveau du ministère du Commerce. D'après le patron du CPA, la centrale de risques des entreprises et ménages de la Banque d'Algérie est déjà opérationnelle depuis septembre dernier. Le crédit à la consommation aux ménages concerne les biens fabriqués par des entreprises exerçant une activité de production ou de services sur le territoire national et qui produisent ou assemblent des biens destinés à la vente aux particuliers. Au sujet de la monétique, Krim Mohamed a relevé que l'Algérie, dotée seulement de 2900 TPE et 600 DAB, reste en retard notamment par rapport aux voisins maghrébins. «C'est insuffisant. On devrait multiplier ces chiffres par dix. La monétique reste le parent pauvre des instruments de paiement», a déploré le PDG de la BDL. Ce dernier a annoncé le lancement, en juin 2016, du paiement électronique.