Après des décennies de dissidence et plus de 15 ans en résidence surveillée, la «Dame de Rangoun», âgée de 70 ans, a évalué sa victoire à hauteur de 75% des sièges. Le parti de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, la LND, se rapprochait hier de l'annonce d'une large victoire aux élections de dimanche, qui pourrait changer le sort de la Birmanie après des décennies de domination militaire. Les héritiers de la junte, toujours aux commandes du pays, ont commencé à reconnaître leur défaite face aux partisans de l'opposante, dont la domination était confirmée par des résultats tombant au compte-gouttes. Aung San Suu Kyi revendique d'ores et déjà une victoire écrasante aux législatives, grâce à un important réseau d'observateurs. Selon le dernier décompte publié hier, elle a raflé 179 des 323 sièges à la Chambre basse du Parlement (contre 17 à l'USDP, le parti au pouvoir). Et 77 des 168 sièges de la Chambre haute (contre 4 à l'USDP). Si le score de 70% pour la LND se confirme, cela permettrait à Aung San Suu Kyi d'avoir une majorité absolue malgré la présence d'un quart de députés militaires. Après des décennies de junte militaire, puis de domination de ses héritiers depuis les réformes lancées en 2011, cela représenterait une révolution complète et inédite pour la scène politique birmane. Massacre de musulmans Le nouveau Parlement n'entrera en fonction que début 2016, sans doute en février ou mars. Viendra alors le temps du lancement des réformes promises par Aung San Suu Kyi et son équipe. Il faudra certainement négocier serré avec un pouvoir militaire qui s'arroge toujours, de par la Constitution, 25% des sièges de députés, lui donnant de facto un droit de veto, qu'Aung San Suu Kyi a annoncé qu'elle combattrait, en temps voulu. Mais si Aung San Suu Kyi veut vraiment être crédible, elle devra aussi stopper le massacre de musulmans. Ces derniers, traités comme des pestiférés, sont liquidés en toute impunité et n'ont pas le droit de voter. Aucun parti engagé dans l'élection n'en a parlé lors de la campagne. Ce qui est un bon signe pour le moment, c'est qu'un haut responsable du parti au pouvoir, l'USDP, qui a fait campagne sur les réformes menées depuis quatre ans par l'ex-général Thein Sein, a reconnu l'échec de son parti. «Notre parti a totalement échoué. La LND est victorieuse. C'est le destin de notre pays», a déclaré à la presse Kyi Win, un ancien colonel. Mieux encore, le gouvernement sortant a promis hier pour la première fois de «transférer le pouvoir pacifiquement» si la victoire de l'opposante Aung San Suu Kyi se confirme. Le ministre de l'Information, Ye Htut, a ajouté dans un communiqué officiel que des «discussions» auraient lieu après la publication des résultats définitifs. Aung San Suu Kyi a, quant à elle, appelé hier à des pourparlers «la semaine prochaine» avec le Président et le chef de l'armée. Le Président lui a proposé en retour une rencontre en tête-à-tête. La junte militaire au pouvoir tiendra-t-elle parole ? Le monde le saura bien assez vite.