L'ensemble de la classe politique israélienne est inquiète du message véhiculé par la décision de la Commission européenne. Selon elle, il est susceptible d'alimenter une entreprise globale de délégitimation et la distinction faite entre Israël et les colonies. Cette fois, c'est fait. L'Europe a mis fin à ses tergiversations, s'opposant dans le même temps au lobby israélien qui tentait encore d'influencer sa politique proche-orientale. Effectivement, la Commission européenne a demandé hier aux 28 Etats membres de mettre en œuvre l'étiquetage des produits originaires des colonies israéliennes dans les Territoires palestiniens occupés depuis 1967. Ce qui constitue une action importante dans le cadre d'une politique qui ne semblait, quant à elle, pas aussi évidente. Surtout que là, l'Europe ne fait que se mettre en conformité avec les résolutions internationales. C'est véritablement à petits pas que l'Union européenne (UE) déploie sa politique proche-orientale. On la disait trop frileuse, malgré les rapports que lui font parvenir ses propres représentants, aussi bien en Israël que dans les Territoires palestiniens, mais se rend-on compte, elle refuse le statut qu'Israël voudrait lui imposer, celui de l'omerta. Ce silence qui se transforme en complicité. Et visiblement, l'Europe enfermée dans une politique commune qui ne serait pas celle de tous ses membres, procéderait par étapes. Même si cela devrait prendre du temps. Et même beaucoup, comme on a pu le constater hier avec la décision en question. Elle-même découlant d'une proposition de parlementaires européens d'étiqueter les produits en provenance des colonies, et donc de les exclure de la liste des échanges avec Israël, autrement, cela revendrait à reconnaître ces colonies en violation des résolutions de l'ONU qui les considèrent comme illégales. C'est ce texte qui a fait l'actualité ces derniers jours et suscite ce qui apparaît comme une crispation dans les relations entre les deux parties, il portait sur les produits des colonies israéliennes implantées dans les territoires palestiniens et dans le Golan syrien occupé, des indications qui ne manquent pas de précision. Ce qui ne risque pas de ruiner l'économie israélienne, par contre, le coup sera rude, avec un impact diplomatique certain. «Nous ne parlons pas d'une quelconque forme de sanction ou de boycott, mais d'information du consommateur », a dit une source européenne, comme pour mettre les choses au clair, mais sans succès, comme en atteste encore la réaction israélienne propre d'ailleurs à tout occupant. Quantité négligeable mais… Les produits concernés représentent «moins de 1,5%» des produits israéliens importés dans l'UE, a dit cette source européenne. Les produits industriels des colonies représentent seulement 0,7% des exportations industrielles israéliennes vers l'UE, et les produits agricoles 2,5%, selon le Parlement israélien. C'est pourquoi, l'ensemble de la classe politique israélienne a eu la même réaction. Elle est inquiète du message susceptible d'alimenter, selon elle, une entreprise globale de délégitimation et la distinction faite entre Israël et les colonies. Ce qui a toujours été fait quoique de manière timide et presque discrète. Ce qui démontre aussi le recul du lobby pro-israélien qui n'a pas empêché l'adoption de ce texte fondamentalement politique. Les Israéliens le savent et ils ont rapidement déployé leurs moyens pour bloquer cette décision. En recourant principalement au chantage, en déclarant qu'une telle décision rendrait la recherche de la paix avec les Palestiniens encore plus compliquée. «L'étiquetage éloigne la paix», déclarait ainsi la ministre adjointe israélienne des Affaires étrangères, sans jamais dire ce qui la rendrait possible, et la décision européenne pourrait y conduire si elle s'ajoutait à d'autres formes de pression pour amener Israël à respecter et appliquer les résolutions de l'ONU. Beaucoup, par contre, y voient le contraire, puisque cela rappelle des vérités incontestables, celle d'une occupation par la force, et c'est bien Israël qui s'oppose à l'établissement d'un Etat palestinien indépendant. L'UE tentait d'en atténuer l'impact ou le sens de sa décision. Mais en vain, en atteste la réaction israélienne. A quand d'autres décisions qui rendraient justice au peuple palestinien ?