La loi de finances, l'un des textes de loi les plus importants dans la vie d'une nation, ne semble pas inspirer nos députés. Les travées de l'Assemblée étaient, hier, à moitié vides. Sur les 461 députés siégeant à l'hémicycle Zirout Youcef, près de la moitié n'ont pas assisté à la présentation, par le ministre des finances M. Benkhalfa, du projet de loi de finances 2016. Celui-ci renferme, selon les députés présents, des dispositions antidémocratiques qui remettent en cause certains acquis. Jamais dans les annales de la législature pluraliste un projet de loi de finances n'a suscité autant de polémique. Les députés de la majorité, notamment ceux du FLN, ou de l'opposition confirment que le texte a été élaboré dans une conjoncture de crise économique. Mais pour eux, le citoyen n'a pas à payer le prix de la mauvaise gestion de nos dirigeants. Les élus FLN ont formulé de vives critiques. Certains ont accusé l'Exécutif de privilégier le privé au détriment des entreprises publiques, mais aussi de favoriser les étrangers, bafouant la préférence nationale. «Au lieu de toucher aux poches des citoyens, il faut faire payer les hommes d'affaires qui ne s'acquittent pas de leurs dus», lance le député Khelil du FLN. Celui-ci tire à boulets rouges sur la démarche du gouvernement : «L'amélioration des recettes de l'Etat devrait amener le gouvernement à s'intéresser à la source du problème qu'est la mauvaise gestion des deniers publics. Mais au lieu de cela, le gouvernement sanctionne les citoyens.» Les arguments du ministre des Finances n'ont pas convaincu les députés FLN : «Il est inadmissible de justifier l'augmentation des taxes, comme celles sur le gasoil, par le souci de lutter contre la pollution, ou l'électricité pour lutter contre le gaspillage. Cet argument n'est pas palpable.» Les députés du PT partagent cet avis : «Nous savons que l'Algérie traverse une crise économique. Mais face à cette crise, le gouvernement propose de fausses solutions. Il propose des mesurettes», dénonce Taazibt, qui suggère pour une sortie de crise une solution politique, courageuse et radicale car «cette loi de finances est un tournant d'une extrême gravité par rapport aux acquis de 2009». Un projet de loi dangereux Elle ouvre la voie au pillage, à l'endettement externe et remet en cause le droit de préemption, devenu une mesure administrative alors qu'elle était politique, ainsi que la règle des 51/49%, qui est devenue caduque. «Rien n'est prévu pour réguler le commerce exterieur», explique le député du PT, qui pense que sous prétexte de la crise économique, le gouvernement veut accabler le pouvoir d'achat du citoyen. «On veut appauvrir la majorité et enrichir la minorité à travers la poursuite de l'exonération», déclare le député Taazibt, dont le parti a fait 40 propositions d'amendement. Les députés du PT sont persuadés que le président de la République, qui a établi l'échec des réformes politiques, ne peut pas être celui qui a ordonné cette orientation. Les députés du FLN en ont surpris plus d'un. Ils ont formulé de vives critiques à l'encontre de Hocine Zegad, député indépendant, qui n'a pas lésiné sur les mots lors de son intervention. Il a carrément appelé le gouvernement Sellal et le président de l'APN «à démissionner». Lakhdar Benkhalef, député du parti El Adala, a qualifié le texte de «dangereux». «C'est un texte dicté par les hommes d'affaires et les barons de l'argent sale. Ces derniers ont poussé le gouvernement à recourir aux poches des citoyens pour couvrir le déficit budgétaire», accuse le député, qui dénonce les nouvelles taxes introduites dans la LF 2016 et l'augmentation des tarifs de l'électricité, du gaz, de l'essence et du gasoil. Lahbib Korichi, député indépendant, parle d'«absence de vision stratégique pour sortir le pays de la crise» et accuse des hommes d'affaires d'être des «rapaces». Un élu d'El Karama accuse certains ministres de ternir l'image de l'Algérie : «Ils se rendent en France deux à trois fois par semaine pour des affaires personnelles aux frais de l'Etat. C'est un gouvernement de la honte.»