Après la mise à la retraite de 14 généraux du DRS, c'est au tour de 37 autresofficiers de ce service spécialisé dans la lutte antiterroriste et le contre-espionnage économique d'être mis à l'écart. La mesure intervient après le démantèlement du Groupe d'intervention spécial (GIS) et le rattachement de la Garde présidentielle à la Garde républicaine. La «purge» au niveau du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) se poursuit. Après le départ de son premier responsable, le général Toufik, c'est au tour de 37 officiers et officiers supérieurs de ce département d'aller grossir les rangs des retraités, apprend-on de source bien informée. Selon nos informateurs, il s'agit surtout de cadres de l'institution spécialisés dans la lutte antiterroriste et les affaires économiques liées notamment à l'espionnage économique et à la corruption. «Ce sont des gradés du DRS qui ont passé toute leur carrière dans l'antiterrorisme, mais également dans les dossiers d'espionnage économique et les gros dossiers de corruption dans lesquels sont impliquées des sociétés ou des personnes d'origine étrangère. Dans leur majorité, ils ont une moyenne d'âge de 50 à 55 ans. Leur mise à la retraite d'office sent l'odeur du règlement de comptes. Tout le monde sait qu'un poste n'est pas éternel, mais les circonstances dans lesquelles ils ont été mis à la retraite laissent penser qu'il s'agit tout simplement d'une opération ciblant tous les cadres qui ont travaillé de près ou de loin avec l'ancien patron du DRS, le général de corps d'armée Mohamed Mediène dit Toufik. Son successeur est en train d'expurger le Département de ses meilleurs éléments. Est-il conscient des répercussions de tels actes ? N'a-t-il pas besoin de ressources expertes dans son travail ? Est-il conscient du fait que ces purges ne servent pas le DRS, mais plutôt ceux qui veulent le détruire au profit d'intérêts occultes ?» explique notre source, précisant que ces décisions font tache d'huile et risquent d'avoir des conséquences inquiétantes sur le moral des troupes. «Personne ne peut nier que des dérives ont pu être commises par des cadres de cette institution. Cependant, il est dangereux d'utiliser celle-ci pour régler des comptes à des personnes. Il y a un sentiment de malaise qui ronge une grande partie des jeunes qui y exercent. Quel sera l'impact de tels départs à la retraite sur la mobilisation et l'engagement des troupes, en ces moments difficiles où le pays fait face à de nombreuses menaces ?» ajoute notre interlocuteur. Force est de constater que l'opération de «restructuration» des structures de l'armée, évoquée par-ci par là, semble se transformer en véritable «chasse aux sorcières» ciblant surtout les cadres qui sentent l'odeur de leur ex-chef ou qui ont eu à traiter des affaires de corruption ayant éclaboussé des hommes du Président. Une centaine d'officiers du DRS mis à la retraite en une année En une année, au moins une centaine d'officiers ont été admis à la retraite, alors que leur âge ne dépassait pas la cinquantaine. Dès son intronisation à la tête du DRS, le général-major Bachir Tartag a poursuivi les purges en mettant à la retraite au moins 14 généraux et une dizaine d'autres officiers. Certes, nombre d'entre eux avaient dépassé l'âge limite de la retraite et d'autres traîneraient des casseroles, mais les conditions et la conjoncture dans lesquelles ils ont été remerciés laissent transparaître la volonté revancharde du premier responsable de l'armée, dont la mission semble être de vider le DRS de toutes ses prérogatives pour en faire une coquille vide, puisqu'il a été réduit à une direction ministérielle. En parallèle, les pouvoirs de la Direction centrale de la sécurité de l'armée (DCSA) sont élargis pour devenir une force de l'armée, avec un commandement et des troupes, alors que dans ses missions, elle prend en charge désormais la prévention pour devenir la Direction centrale de la prévention de la sécurité de l'armée (DCPSC). En clair, la DCSA ne s'occupe plus de la sécurité interne de l'armée, mais exerce le rôle de police politique puisque ses agents, tous en civil, sont depuis quelques mois assez nombreux sur le terrain pour faire ce que le redouté DRS faisait avant, mais pour le compte du premier responsable de l'armée dont les ambitions politiques avérées ne sont plus un secret. «Nous sommes dans une guerre de règlement de comptes au détriment de la patrie. Si ces changements étaient dans l'intérêt du pays, nous aurions tous applaudi. Cela s'est fait pour renforcer les positions d'un clan par rapport à un autre, dans le seul but de se maintenir au pouvoir et d'asseoir ce dernier», révèle un officier fraîchement mis à la retraite, qui était parmi les cadres qui ont enquêté sur les affaires Sonatrach et autoroute Est-Ouest. Le service de la police judiciaire où il travaillait a été dissous en 2014, pour être recréé quelques mois plus tard sous une autre appellation, mais dont les missions ont été privées du volet économique, comme si l'espionnage économique n'existait pas. Les concepteurs de la «restructuration» ont également décidé de dissoudre le GIS, une unité d'élite du DRS, qui constituait une force de frappe redoutable contre le terrorisme. Formés dans plusieurs pays, ses éléments ont été dispatchés à travers les commandements des forces ; mais beaucoup ont préféré, depuis, faire valoir leurs droits à la retraite. Pour ce qui est de la Garde présidentielle ou plus précisément de la Direction de la protection et de la sécurité présidentielles (DPSP), elle a tout simplement été rattachée, comme un simple service, à la Garde républicaine, alors qu'elle était une force qui dépendait de la Présidence. Autant de changements qui ne semblent pas obéir à une logique sécuritaire qui exige la capitalisation de l'expérience et du mérite, mais plutôt à une politique de préservation d'intérêts purement personnels.