La sortie médiatique du général de corps d'armée à la retraite, ancien patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), qui a tenu, via une lettre publiée hier dans certains titres de la presse privée, à prendre à témoin l'opinion publique sur le dossier du général Hassan, était d'autant plus inattendue que l'homme s'est imposé un silence de tombe depuis que les rumeurs ont circulé sur son désaccord, réel ou supposé, sur le 4e mandat de Bouteflika qui lui aurait valu sa disgrâce. Même lorsqu'il fut violemment attaqué par ses détracteurs — dont le secrétaire général du FLN M. Saadani fut et demeure le porte-étendard — le général Toufik a encaissé tous les coups sans broncher. Jusqu'à son départ à la retraite qui demeure encore, pour beaucoup d'analystes, une énigme sur laquelle les avis restent partagés pour savoir s'il s'est agi d'un limogeage ou d'un départ à la retraite volontaire et librement consenti. Beaucoup avaient aussi considéré que son silence avait moins à voir avec l'obligation de réserve attaché à un poste aussi sensible qu'à un deal, une espèce de pacte de non-agression qui aurait été conclu entre lui et le chef de l'Etat et les décideurs. Si cet arrangement avait existé, il est aujourd'hui rompu avec la décision du général Médiène de sortir de l'ombre pour s'impliquer en tant qu'acteur de premier plan — en sa qualité d'ancien chef hiérarchique du général Hassan — dans la bataille judiciaire d'une virulence jamais connue en Algérie, à laquelle a donné lieu la condamnation de l'ancien chef du service de lutte antiterroriste du DRS. Autres temps, autres mœurs : jamais, dans les traditions de l'Anp, des décisions de la justice militaire n'ont été commentées, voire plus que cela, remises en cause par de hauts responsables de l'institution militaire qui ont marqué de leur empreinte cette dernière, même s'ils sont aujourd'hui à la retraite. Le général Toufik prévient qu'il se situe sur une terrain strictement éthique et professionnel et non politique. Mais en assumant la responsabilité pleine et entière de la mission pour laquelle son collaborateur est condamné en précisant que celle-ci a été menée conformément à la légalité constitutionnelle et à la réglementation, le général Toufik place incontestablement le débat dans le champ politique. Car il exprime une conviction que la condamnation du général Hassan n'est rien d'autre qu'un verdict politique décidé ailleurs que par la justice militaire. Sans le dire, il suggère que son ancien collaborateur est une victime expiatoire de règlement de comptes résultant des nouveaux rapports de forces au sommet de l'Etat que son départ à la retraite a accéléré. Et, de ce fait, il engage fatalement un bras de fer avec le pouvoir en assumant, dans le fond et dans le détail, la responsabilité de l'opération secrète qui a valu la condamnation du général Hassan. Sera-t-il convoqué par la justice militaire ? Serait-ce le but recherché par le général Toufik pour forcer la main à la justice militaire, qui n'a pas jugé utile de l'entendre malgré la demande insistante de la défense du général Hassan ? Ou bien sa missive doit-elle être comprise comme une mise en garde à peine voilée à l'adresse de qui de droit d'un homme qui sait tout sur tout le monde pour cesser les hostilités ? La guerre de l'ombre qui agite les clans du pouvoir autour de la course à la succession est désormais transposée sur la place publique.