Atravers une livre de 191 pages, Abdelkader Jamil Rachi égrène des souvenirs de son enfance et de sa jeunesse, passés dans sa ville natale à Constantine. Le temps a décanté la mémoire de Abdelkader Jamil Rachi. C'est parce qu'il a connu la période coloniale qu'il a fait appel à ses réminiscences. En effet, la structure de ce roman repose sur tout ce que son esprit a retenu de cette époque charnière. L'histoire narrée n'est autre que celle d'un adolescent qui vit seul avec sa mère. Ses deux frères sont emprisonnés pour militantisme. Salim est un militant du PPA-MTLD qui a été arrêté dès le déclenchement de la Révolution algérienne. Son petit frère est arrêté, quelques mois plus tard, à la suite d'une dénonciation pour port d'arme à la maison. Rencontré lors du 20e Salon international du livre d'Alger, l'auteur Abdelkader Rachi nous a confié qu'en écrivant ce roman, il a voulu aller à la recherche du temps passé en remettant au goût du jour certains souvenirs émanant de personnes qu'il a connues à Constantine vers la fin des années 1950. Il s'agit d'honorables personnes qui ont embrassé la cause nationale sans hésitation aucune. Dans une description des plus minutieuses, l'auteur détaille les personnalités européennes qui ont été ses enseignants. Ces derniers lui ont enseigné Diderot, Voltaire et Montesquieu. Ils lui ont fait découvrir une autre France, celle des Lumières, préconisant la démocratie et l'égalité. Mais en même temps, l'adolescent qui n'est autre que le «je» du narrateur vit une autre réalité. Il est confronté au colonialisme quand son frère fait l'objet d'une arrestation. Il vit ces violences coloniales, mais en même temps il parle des autres communautés. Un souvenir poignant est évoqué, celui de l'affichage du nom de l'auteur au brevet d'enseignement élémentaire à Constantine. Au retour, il est arrêté dans une rafle. Il subit le sort des colonisés. Il passe tout l'après-midi les mains sur la tête sur une terrasse inondée de soleil. Il n'est libéré qu'à 2h du matin. Sa mère s'inquiète, alors que lui voulait lui annoncer qu'il avait été admis au BEPC. Cette réussite n'a plus aucun sens pour lui. Un hommage est également rendu à son ami Madjid qui prend conscience de sa condition de colonisé. Il s'en éloigne et prend le maquis à l'âge de 16 ans. Dans ce livre sont évoqués les événements marquants qu'a connus la population de Constantine tels que ceux du 20 août 1955, l'évasion de Mustapha Ben Boulaïd, où encore la venue à Constantine de Charles de Gaulle. Dans ce récit autobiographique, Abdelkader Jamil Rachi a tenu à donner les noms réels des personnages. «J'ai vraiment voulu décrire la société coloniale. Je suis resté fidèle aux événements. Tous les gens qui liront mon livre se retrouveront. Je parle aussi de la topographie de la ville», précise t-il. L'auteur, qui n'a jamais voulu être manichéen, a parfaitement mis en exergue la colonisation qui a été une épreuve d'une rare violence pour le peuple algérien. En somme, Un été colonial à Constantine de Abdelkader Jamil Rachi tend à familiariser le lecteur non seulement avec des personnages, mais également avec des lieux qui n'existent plus, à l'image du Casino de Constantine, ou encore du commissariat central. Un monde foisonnant qui fait ressurgir toute l'époque coloniale avec ses violences et parfois ses aspects positifs.