Les scandales qui secouent la FIFA sont loin d'être épuisés. Chaque semaine qui passe apporte son lot de révélations. D'ici le 26 février 2016, date de la tenue du vote qui portera un nouveau président à la tête de l'instance faîtière du football mondial, d'autres affaires éclateront et éclabousseront davantage l'institution que la justice américaine affabule du surnom de RICO (racketeer influenced and corrupt organisation, c'est-à-dire organisation corrompue sous l'influence de racketteurs). Minée par les scandales de corruption et de pots-de-vin depuis l'ère Joao Hevelange (1974-1998), la FIFA a fini par éclater sous le poids d'accusations de plus en plus ciblées et enfin avérées. Tout est parti du choix des deux pays qui organiseront les Coupes du monde 2018 (Russie) et 2022 (Qatar). Le vote en faveur des deux pays a provoqué l'ire de l'Angleterre et des Etats-Unis. L'élément déclencheur du processus qui a abouti à l'étalage du scandale actuel est le texto balancé par Jérôme Valcke (à l'époque secrétaire général de la FIFA) quelques heures après le vote du 2 décembre 2010 : «Ils ont vendu les deux Coupes du monde.» ZONE DE TURBULENCES A partir de là, la FIFA est entrée dans une (très) forte zone de turbulences et des masques sont tombés un à un. A la veille du vote du 2 décembre, le comité exécutif de la FIFA comptait 24 membres, dont le président Joseph Sepp Blatter. Ces hommes allaient choisir les pays organisateurs des Mondiaux 2018 et 2022. L'un d'eux, l'Américain Chuck Blazer, a enregistré à leur insu et au profit du FBI les déclarations de deux membres du comité exécutif, Amos Adamu (Nigeria) et Tumaru (Tahiti), qui demandaient des pots-de-vin pour voter en faveur des pays candidats à l'organisation des Coupes du monde 2018 et 2022. La FIFA a suspendu les deux hommes qui n'ont pas pris part au vote du 2 décembre 2010. Cinq ans se sont écoulés depuis. Les enquêtes ont débouché sur des arrestations, inculpations et forts soupçons de corruption de plusieurs membres du comité exécutif réunis le 2 décembre 2010. Sur les 22 votants, quatre seulement sont épargnés, pour l'instant, par le scandale qui va changer la face de la FIFA. Il s'agit de Geoff Thompson (Angleterre) qui était vice-président de la FIFA et l'a quittée en 2015, Hany Abo Rida (Egypte), toujours membre du comité exécutif, Vitaly Mutko (Russie) toujours membre, et Junji Ogura (Japon) qui ne fait plus partie du «gouvernement du football mondial». Les 17 autres sont, à des degrés divers, impliqués dans le scandale. A commencer par le président Joseph Blatter, suspendu 90 jours par la commission d'éthique, à l'instar de Michel Platini et le Sud-Coréen Chung, suspendu 6 ans après avoir annoncé son intention de briguer le mandat de président. Trois membres ont été bannis à vie de toute activité liée au football. Il s'agit de Mohammed Bin Hammam (Qatar) et Jack Warner (Trinidad). Dix membres sont à ce jour soupçonnés de corruption. La liste comprend Issa Hayatou (Cameroun) ; Julio Grondona (Argentine), décédé depuis ; Angel Villar Lona (Espagne) ; Nicolas Leoz (Uruguay) ; Ricardo Teixeira (Brésil) ; Worawi Makudi (Thaïlande) ; Marios Lefkaritis (Chypre) ; Senes Erzik (Turquie) ; Jacques Anouma (Côte d'Ivoire) ; Franz Beckenbauer (Allemagne) ; Rafael Salguero (Uruguay). Michel Dhooghe (Belgique) aurait quémandé un emploi pour son fils (médecin) dans un grand centre de soins et de remise en forme d'athlètes en contrepartie de sa voix lors du scrutin de décembre 2010. Les quatre personnes dont les noms ne sont pas cités dans le scandale sont Geoff Thompson (Angleterre), Hany Abo Rida (Egypte), Vitaly Mutko (Russie), Junji Ogura (Japon) ; deux d'entre eux ont quitté le comité exécutif à la faveur du renouvellement des mandats intervenu au début de l'année 2015 (Thompson et Ogura) ; les deux autres (Abo Rida et Vitaly Mutko) font toujours partie de ce comité. DOSSIERS CLOS Le dossier des bannis à vie (Bin Hammam, Blazer, Warner) est définitivement clos. Celui des suspendus, Blatter et Platini, n'est pas totalement réglé. Ils ont introduit un recours et espèrent être blanchis. Ils ne sont pas au bout de leurs peines car ils risquent une peine pénale suite à l'affaire du versement, par Blatter, de 2 millions d'euros à Platini. Le Sud-Coréen Chung consomme une suspension de 6 ans pour «corruption de membres et achat de voix». De Issa Hayatou à Ricardo Teixeira en passant par Marios Lefkaritis, Nicolas Loez jusqu'à Senes Erzik et Jacques Anouma, tous sont soupçonnés d'avoir empoché de l'argent en échange de leur voix lors du vote. Le trafic d'influence fait aussi partie des multiples charges retenues contre des dignitaires de la FIFA, à l'instar de Michel Platini, Franz Beckenbauer et Villar Llona qui ont enfreint aux règles de l'éthique, sans oublier ceux qui ont marchandé leur voix en contrepartie d'un emploi (bien rémunéré) pour leur progéniture dans des institutions internationales. L'Espagnol Villar Llona a refusé de répondre à l'invitation du juge Micahel Garcia en charge du dossier d'attribution des Coupes du monde 2018 et 2022. Le Français Michel Platini n'a pas fini de manger son pain noir. Il encourt une sanction pénale, à l'instar de Joseph Blatter, dans l'affaire de la prise de 2 millions d'euros pour des prétendus travaux au profit de la FIFA. La planète football, ébahie, prend connaissance, chaque jour, de l'ampleur du scandale qui écorne l'image de la FIFA. C'est pour cette raison que la FIFA ne peut faire l'économie d'un procès exemplaire. C'est à ce prix seulement qu'elle retrouvera un semblant de crédibilité qui lui permettra d'entamer de vraies réformes, quitte à ce que ses dignitaires soient placés derrière les barreaux.