James Baker a remis, hier, au président Bush, les recommandations et conclusions de la commission spéciale sur l'Irak. James Baker, président du groupe d'études sur l'Irak - composé de dix membres républicains et démocrates - a remis hier, au président américain George W.Bush, ses recommandat0ions après avoir travaillé durant huit mois sur le dossier irakien. D'emblée, le rapport de la Commission Baker va droit au but en indiquant que la situation en Irak est «grave» et ne cesse de se «détériorer», confirmant les opinions exprimées ces derniers temps par les analystes et observateurs. Toutefois, malgré la gravité signalée de la situation en Irak, le rapport ne recommande pas pour autant l'établissement d'un «calendrier» de retrait, mais préconise en revanche, des «discussions directes» avec la Syrie et l'Iran. Parmi les 79 recommandations faites par le rapport, «il n'y a pas de calendrier, il n'y a pas de recommandation d'un retrait immédiat, mais en revanche on (nous) recommande d'accélérer autant que possible» l'intégration de soldats américains dans les unités irakiennes pour les former, a indiqué devant la presse Tony Snow, porte-parole de la Maison- Blanche, après la remise très attendue du rapport du Groupe d'études sur l'Irak à M.Bush plus tôt dans la matinée d'hier. Par ailleurs, la Commission Baker recommande au président Bush de «menacer» le gouvernement irakien de perdre le soutien «politique, militaire et économique» des Etats-Unis, s'il ne fait pas des «progrès substantiels en termes de sécurité et réconciliation nationale». «Si le gouvernement irakien ne fait pas des progrès substantiels vers des objectifs de réconciliation nationale, sécurité et gouvernance, les Etats-unis devraient réduire leur soutien politique, militaire et économique au gouvernement irakien», indique le rapport sur l'Irak. La Commission Baker préconise, également, la nécessité pour l'administration républicaine de nouer des contacts directs avec l'Iran et la Syrie, acteurs incontournables de la région, et recommande la tenue d'une conférence régionale rassemblant les voisins de l'Irak, ajoute le quotidien de la capitale américaine. Le Washington Post affirme, d'autre part -s'appuyant sur des correspondances privées et des entretiens avec des membres du groupe d'études- que plusieurs membres de la Commission sont arrivés à la conclusion que «la guerre en Irak est, pour l'essentiel, perdue». Exactement ce qu'affirmait mardi, devant le Sénat -qui débattait de son investiture- Robert Gates, pressenti au poste de secrétaire à la Défense en remplacement de Donald Rumsfeld, démissionnaire. Le futur secrétaire à la Défense a clairement affirmé, devant la commission de la défense du Sénat, que les Etats-Unis était en train de «perdre la guerre». A la question du sénateur démocrate, Carl Levin, futur président de la commission de la défense: «Pensez-vous que (les Etats-Unis) sont en train de gagner la guerre en Irak?» Robert Gates à répondu «non» et celui-ci, qui s'est prononcé contre une guerre contre l'Iran et/ou la Syrie, a indiqué qu'une telle éventualité conduirait «très probablement» à aggraver la situation en Irak. Le groupe d'études préconise également, pour sortir de l'impasse actuelle en Irak, l'organisation d'une conférence régionale avec l'ensemble des voisins de ce pays, y compris la Syrie et l'Iran. M.Bush qui refuse toujours d'admettre que le pire est déjà présent en Irak, comme l'indiquait, lundi dernier, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, sera, sans doute, contraint de tenir compte aussi bien des réserves émises par le futur ministre de la Défense, Robert Gates, qui n'a pas hésité à contredire le chef de la Maison- Blanche sur la réalité de la situation en Irak, que des recommandations que va lui faire le groupe d'études sur l'Irak, lequel, outre M.Baker, comprend d'éminentes personnalités de la politique et de la magistrature américaines, tel l'ex-parlementaire démocrate, Lee Hamilton, un ancien ministre de la Justice, un ex-secrétaire général de la Maison-Blanche ou encore une ancienne membre de la Cour suprême. De fait, pour le Etats-Unis, le bilan irakien est catastrophique avec près de 3000 morts, quelque 22.000 blessés et 140.000 hommes déployés, le tout avec un coût de la guerre de plus en plus lourd qui dépasserait les 350 milliards de dollars selon des membres du Congrès et les médias américains. Pour George W.Bush, le bilan irakien est sans nuance: son administration a échoué sur tous les plans en Irak. Au vu de la situation prévalant, le président Bush n'a, seulement, plus le choix des armes ni celui de continuer d'imposer sa politique musclée en Irak. La guerre civile en Irak, dont M.Bush nie la réalité, est bel bien le fait majeur, dans ce pays, depuis au moins février dernier, avec les assassinats confessionnels (entre chiites et sunnites, et les exactions des brigades de la mort et autres milices qui mettent le pays à feu et à sang. Depuis le début de l'année, la situation s'est tellement aggravée qu'il n'y a plus de jour où l'on ne compte des dizaines de morts dans des attentats, outre les découvertes macabres, quasi quotidiennes, de cadavres torturés et décapités ou abattus. Aussi, les recommandations de la Commission Baker sont-elles très attendues même si le président Bush a fait valoir qu'il n'était pas dans l'obligation d'appliquer les «conseils» de la Commission Baker, rappelant par ailleurs que d'autres études sur le même sujet, à savoir l'Irak, ont été confiées au Pentagone et au Conseil de sécurité nationale. Toutefois, l'hôte de la Maison-Blanche, est condamné, d'une manière ou d'une autre, à agir alors que la situation ne cesse de se détériorer.