Le marché immobilier connaît depuis quelques mois un flottement dû à la crise, au renchérissement des biens mis sur le marché par les spéculateurs et, depuis l'été, à l'obligation de payer par chèque les transactions égales ou supérieures à 5 millions de dinars. Le marché de l'immobilier stagne ces derniers mois. L'entrée en vigueur de l'obligation de payer par chèque les transactions immobilières supérieures ou égales à 5 millions de dinars expliquerait cette stagnation. «Le marché connaît depuis quelques mois un flottement dû à la crise, au renchérissement des biens mis sur le marché par les spéculateurs et, depuis l'été, à l'obligation de payer par chèque les transactions supérieures ou égales à 5 millions de dinars. Les agents immobiliers et même les simples propriétaires ont préféré temporiser. Tous ces facteurs réunis découragent les acquéreurs et même les locataires et ont, par conséquence, fait légèrement baisser les prix», estime M. Menaceri, vice-président de la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI), lui-même agent immobilier à Constantine. Abdelhakim Aouidat, président de la FNAI, qui regroupe quelque 300 agences, estime la baisse à 20% : «La cause principale de cette baisse estimée à 20% est l'obligation intervenue en août. Les gens ont préféré attendre. Un exemple simple illustre cette situation d'indécision : un propriétaire qui met en location son appartement à un prix donné retourne, deux à trois mois après, chez son agent pour revoir à la baisse le loyer vu qu'il ne trouve pas de client.» Le fondateur de Lkeria, un site de location, parle lui aussi de «stagnation» qu'il juge toutefois minime. «Il y a eu certes une stagnation des prix. On a eu à s'en apercevoir à travers notre site. Mais on ne peut pas en dire plus vu que le marché est désorganisé. Il y a un élément qui nous permet de juger les tendances du marché, c'est cet indice des prix que les notaires doivent publier. Chez nous, on n'en est pas encore là et donc toutes les statistiques présentées par des intervenants sur la situation des prix de vente ou de location ne sont pas correctes et ne reflètent donc pas la réalité», déplore Lotfi Ramdani, dont le «baromètre» est son site Lkeria qui recueille des annonces. La perturbation actuelle, qui a provoqué des méventes et une désaffection des locataires, ne devrait pas affecter durablement le marché : les prix restent excessifs et les ventes devraient reprendre. Hausse graduelle «La référence pour moi est le F3. A Constantine, la ville où j'exerce, un F3 plus au moins correct de 60 m2 coûte 9 à 10 millions de dinars. Ce prix, qui est pratiqué partout, dans les grandes villes du pays, reste élevé par rapport aux bourses des ménages», reconnaît M. Menaceri. A Alger, les prix proposé par les promoteurs oscillent entre 100 000 et 400 000 DA le mètre carré. Remarquant l'indécision des acquéreurs, des promoteurs qui proposent des appartements de haut standing, dans des lotissements à la périphérie de la capitale, ont décidé d'«appâter» les clients à forts revenus par des «bonus» en proposant par exemple l'ameublement de l'appartement. «Les acquéreurs qui mettent la main sur dix appartements, voire plus, ont baissé. Le marché ne connaît pas de véritable crise. Il y a eu certes une baisse des transactions, mais pas de véritable baisse des prix. Il pourrait même y avoir une hausse progressive avec la forte dévaluation du dinar et l'inflation, surtout à partir de 2016», prédit un promoteur algérois qui a requis l'anonymat, tout en signalant que ses «affaires marchent bien malgré un climat morose». Pourquoi une telle situation de flottement pour un «marché» qui ne connaît pas vraiment de crise, comme c'est le cas partout dans le monde, particulièrement en Europe où la crise de 2008 a provoqué l'éclatement de la bulle immobilière ? Les professionnels parlent de désorganisation du marché ou de ce qui en tient lieu. «L'Etat laisse faire les spéculateurs. Les agences sont étouffées par des exigences comme le chèque. Les prix resteront élevés en raison surtout de la faible offre. En dépit du lancement d'un programme public important, l'offre restera insuffisante. Il y a quelque 390 000 nouveaux mariages chaque année. La demande est presque la même (location ou achat). L'offre publique, qui n'est que de 50 000 logements par an, ne peut pas absorber toute cette demande. Les livraisons de logements n'arriveront jamais, au rythme actuel, à répondre à une demande qui sera plus forte avec la démographie galopante», relève le gérant du site Lkeria. Sensibilisation et aides aux promoteurs L'Etat éprouvera, selon le professionnel, davantage de difficultés à répondre à une demande galopante : à la baisse des rentrées d'argent et à l'inflation s'ajoute la raréfaction du foncier, principalement dans les villes. La régulation est exigée pour faire baisser les prix et ainsi permettre aux petites bourses de louer un appartement ou même d'en devenir propriétaire sans se saigner aux quatre veines. «Il y a une chose que les autorités doivent prendre en compte pour régler cette crise du logement, due principalement à des politiques ratées cumulées depuis les années 1980, c'est, par exemple, la vulgarisation des mécanismes d'aide proposés par les autorités. Par exemple : l'Etat exonère d'impôt celui qui loue un logement de 80 m2. Il ne sera pas imposé aussi lorsqu'il loue à un étudiant ou à un handicapé. Il n'y aura plus de sous-évaluation et l'Etat sera gagnant. L'autre solution serait de taxer fortement les biens vacants pour inciter les gens à louer», estime le gérant de Lkeria. L'aide aux promoteurs nationaux est aussi réclamée. Quelque 22 000 promoteurs sont enregistrés, dont 6000 dans la seule ville d'Alger. Le programme public ou même privé est détenu par des étrangers, particulièrement des Chinois, qui pratiquent des prix concurrentiels. «Les entreprises étrangères qui réalisent les programmes publics ou privés et influent sur le marché ont des carrières et négocient des prix avec leurs fournisseurs comme les cimenteries Lafarge et autres. Le salut des Algériens est en privilégiant le regroupement dans le cadre des projets», suggère-t-il.