Les chargés de la lutte antiterroriste de 34 pays africains s'attellent, depuis hier à Alger, à faire le point sur la situation sécuritaire inquiétante du continent, liée notamment à la recrudescence des attentats terroristes au nord du Mali, en Afrique de l'Ouest et de l'Est ainsi qu'en Afrique centrale. Smaïl Chergui, commissaire africain pour la paix et la sécurité, met en garde contre l'émergence de groupes terroristes dans le continent par l'arrivée de milliers d'Africains enrôlés dans les rangs du groupe Etat islamique qui fuient le Moyen-Orient. D'après M. Chergui, chaque année, Daech engrange 2 milliards de dollars résultant du trafic du pétrole, des armes, de la drogue, des œuvres d'art et du rançonnement. Ouverte hier à Alger, la 9e réunion des points focaux du Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (Caert) se déroule dans une conjoncture particulièrement inquiétante liée à la multiplication des attentats terroristes et à l'étendue de plus en plus importante des terrains de prédilection des groupes criminels — connus sous les appellations d'AQMI, Boko Haram, Al Murabitoune, Ançar Eddine, le Mouvement pour l'unité et le djihad et plus récemment Daech — qui s'expriment avec violence lors des attentats au Sinaï en Egypte, en Libye et en Tunisie. Comme l'a bien souligné Smaïl Chergui, commissaire africain pour la paix et la sécurité, aucun pays n'est à l'abri, y compris l'Algérie qui partage des milliers de kilomètres de frontières avec des pays en proie à une déferlante terroriste. Dans sa déclaration devant le panel d'experts en lutte antiterroriste, M. Chergui rappelle l'élargissement de l'étendue de la violence depuis l'extrême-est de l'Afrique jusqu'à l'Ouest, en passant par l'Afrique centrale et le Sahel. «Avec la poursuite des activités du mouvement des shebab en Afrique de l'Ouest et l'apparition de ce qui est connu comme étant l'Etat islamique, la vulnérabilité de la situation sécuritaire s'est accentuée. Elle constitue le principal défit auquel est confronté le continent. Selon une évaluation d'experts, ce mouvement perçoit une rente de 2 milliards de dollars annuellement induite par le trafic du pétrole, des œuvres d'art et du rançonnement. Malgré les efforts internationaux visant à l'affaiblir en Irak et en Syrie, il y a de grandes craintes sur la fuite de ses membres du Moyen-Orient vers l'Afrique et d'autres régions du monde. La crise yéménite complique davantage la situation après la tombée de plusieurs régions de ce pays sous le contrôle d'Al Qaîda et, à un degré moindre, de Daech. Une situation qui doit nous pousser à renforcer les efforts de l'Afrique pour neutraliser les activités de ces groupes.», Le commissaire africain présente le phénomène des combattants étrangers comme une forme particulière du terrorisme international, devenu une source de préoccupation majeure puisqu'un nombre important d'Africains ont exprimé leur allégeance à l'Etat islamique ou rejoint ses rangs. Ce qui constitue une grande menace sur tous les pays africains et impose une coordination entre ces derniers en matière d'échange de renseignements allant dans le sens de l'affaiblissement des groupes terroristes. M. Chergui évoque la situation au Moyen-Orient qui, selon lui, est devenue une source d'inspiration pour les terroristes en Afrique, qui ne cessent d'attirer de nombreux jeunes Africains pour les enrôler dans leurs rangs. «Face à ce danger», le commissaire rappelle «l'inquiétude» exprimée par la commission pour la paix et la sécurité de l'Union africaine, de la persistance des menaces terroristes en Afrique et la nécessité de multiplier les efforts pour mettre en exécution le cadre africain de lutte contre le terrorisme. Tout comme il met en exergue les engagements des chefs des Etats africains à moderniser leur législation, à renforcer leurs capacités opérationnelles et coordonner entre les structures spécialisées en matière de lutte contre le terrorisme, tout en soulignant l'importance de la création d'Afripol, à Alger, qui permettra un meilleur partage du renseignement à même d'optimiser la riposte contre les terroristes. Pour M. Chergui, il n'existe pas une seule méthode de lutte mais plusieurs, appelées à se conjuguer pour combattre la radicalisation et le terrorisme, mais aussi pour tarir les sources de financement et le recrutement. La peur des combattants étrangers Pour sa part, le directeur adjoint par intérim du Caert, Idriss Mounir Lallali, présente cette rencontre comme «une occasion de renforcer» la coopération en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme et «réunir» les conditions pour une action conjointe «plus forte, plus palpable et mieux coordonnée». Selon lui, «les attaques terroristes qui ont eu lieu récemment, notamment dans le continent africain, ainsi que les activités des mouvements armés des forces négatives soulignent la pertinence et la nécessité de continuer à revoir et à renforcer nos méthodes de travail et à resserrer nos rangs dans notre quête de faire de l'Afrique un havre de paix et de sécurité». Il met en avant toutes les actions entreprises sous l'égide du Caert, en citant l'exemple du système d'alerte précoce du centre, l'Unité de fusion et de liaison (UFL), mais aussi les différentes actions allant dans le sens du renforcement de la coopération et de l'échange d'information et d'expertise. Il met en garde contre cette menace qui continue de progresser. Ces groupes ne se contentent plus d'occuper des territoires, de les administrer et de soumettre les citoyens à leurs lois barbares, mais ont également démontré leur capacité de nuisance et de déstabilisation considérable. Le problème des combattants étrangers, ainsi que la multiplication des attaques terroristes perpétrées par les groupes affiliés à Al Qaîda et à l'Etat islamique seront aussi discutés. En marge des travaux, le responsable nous explique que cette rencontre de trois jours «devra permettre aux représentants de 34 pays africains, de partager leurs notes d'information sur la situation sécuritaire ayant trait aux différents groupes terroristes qui activent, leurs connexions et tout ce qui concerne leur logistique pour nous permettre d'actualiser la cartographie de l'activité terroriste». C'est la 9e réunion du genre et elle se terminera demain avec des recommandations d'ordres politique et opérationnelle. Il sera question de se projeter dans les espaces et d'évaluer les moyens nécessaires pour optimiser les stratégies de lutte contre le terrorisme et ses connexions avec la criminalité transfrontalière. Au programme de ces trois journées, des ateliers ont été mis en place pour débattre de plusieurs thèmes liés à «L'Evaluation de la menace terroriste et des vulnérabilités des Etats et des CER (communautés économiques régionales), les efforts déployés pour combattre ces menaces et vulnérabilités», «L'Evaluation de la menace du crime transnational organisé, des vulnérabilités des Etats et des CER», «L'Evaluation des relations avec les points focaux nationaux et régionaux», «La prévention et la lutte contre l'extrémisme violent en Afrique et les combattants étrangers», «La coordination et l'action et coopération renforcée dans la prévention et la lutte contre le terrorisme». Demain, le troisième et dernier jour de la réunion sera consacré aux discussions sur «L'Evaluation de la mise en œuvre du plan d'action 2002 de l'UA pour la prévention et la lutte contre le terrorisme en Afrique», «L'Examen et l'adoption du résumé des conclusions de la 9e réunion des points focaux et du plan d'activité du Caert pour l'année 2016».