Faute d'anticipation, le gouvernement a été poussé à revoir dans l'urgence sa copie en matière de politique budgétaire, pour tenter de limiter les dégâts induits par la baisse drastique des cours du pétrole, seule source de revenus du pays. Il laisse entrevoir, par ailleurs, une possible mise en branle, à moyen terme, d'une politique ciblée des subventions pour rationaliser ses dépenses. La démarche semble pourtant très peu assurée de la part du gouvernement, qui veut en même temps grignoter quelques économies au vu de la conjoncture économique difficile, tout en reculant la perspective d'une remise en cause pure et simple de la politique de subventions, jugée anti-économique et souvent décriée par les institutions internationales. Alors qu'il aurait pu s'attaquer à ce «fardeau» avec plus de sérénité lors des années fastes, en proposant des mécanismes de protection des couches les plus vulnérables et en luttant contre le gaspillage, le gouvernement — qui se retrouve empêtré dans une situation financière inextricable qui risque de s'aggraver au fil de la baisse du prix du baril — souffle le chaud et le froid dès que la question des subventions est abordée, tant les craintes d'une contestation sociale sont tangibles. Pour le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, la révision de la politique de subventions relève d'un caractère «sensible et compliqué». «Nous travaillons sur la maîtrise de la politique des aides sociales tout en continuant à protéger les couches défavorisées. C'est notre vision à moyen terme», a-t-il indiqué récemment, dans ses réponses aux questions des membres du Conseil de la nation à l'issue du débat sur le texte de loi de finances 2016. Exercice difficile Le gouvernement lorgne ainsi clairement vers l'option maintes fois ébauchée par le Fonds monétaire international (FMI) sans oser y aller frontalement. En effet, si les quelques hausses annoncées sur les prix des carburants et de l'électricité, par exemple, ont déjà provoqué un tollé politique et une levée de boucliers contre une démarche jugée antisociale, il est aisé d'évaluer la réaction face à une remise en cause de la politique de subventions, considérée comme un acquis. La réaction sera, selon toute vraisemblance, d'autant plus virulente que la conjoncture économique a déjà apporté son lot de mauvaises nouvelles sur le front du pouvoir d'achat de la population. Difficile, dans ces conditions, d'assumer de but en blanc une remise en cause des subventions qui coûtent au budget de l'Etat quelque 30 milliards de dollars, dont 19 millions de dollars de transferts sociaux, et de faire accepter une mesure aussi douloureuse aujourd'hui alors que les revenus de dix ans de faste ont été en partie engloutis par la corruption, comme l'ont prouvé les scandales financiers dévoilés ces dernières années. Le gouvernement cherche en tout cas une porte de sortie, comme le montrent les différentes déclarations de M. Benkhalfa, qui modifie ses sorties médiatiques au fil des mois comme pour laisser aux Algériens le temps de s'accommoder à l'idée. Le ministre des Finances avait déclaré il y a quelques mois : «Nous avons dit au FMI qu'un changement brutal est synonyme de grand danger. Le changement doit se faire de manière progressive. Il est simplement impossible d'arrêter une échéance d'une année ou même de dix ans.» Depuis, M. Benkhalfa a arrêté un délai de deux ans pour un début d'application de cette démarche. Jouer l'équilibrisme Il reste à savoir quelles chances a cette démarche d'aboutir de la part d'un gouvernement trop souvent épinglé pour des reculades et des remises en question de ses propres décisions. En tout cas, le ministre des Finances a expliqué que la démarche du gouvernement pour les prochaines années consiste à établir une «critériologie» des aides sociales, qu'elles soient explicites ou implicites. L'objectif étant de passer du système actuel de subventions généralisées à un système de subventions ciblées, selon M. Benkhalfa, qui a insisté sur le maintien par l'Etat de sa politique d'aide aux catégories de la société les plus démunies. Le ministre explique également que les augmentations des prix prévues par la loi de finances sur l'électricité, le gaz et le gasoil visent à «rationaliser la consommation de ces produits qui demeurent, malgré ces augmentations, subventionnés par l'Etat». Un discours qui montre que le gouvernement tente de jouer à l'équilibriste entre ce qu'il juge être une nécessité économique et le souci de maintenir la paix sociale quitte à creuser le déficit budgétaire. Il est à rappeler que malgré la grave crise dans les finances publiques, la LF-2016 prévoit une hausse de 7,5% des transferts sociaux qui devront ainsi atteindre 23% du budget de l'Etat, avec notamment «477 milliards de dinars pour le soutien à l'habitat, 446 milliards pour le soutien aux familles, dont 222 milliards de dinars pour les subventions des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huile) et 316,5 milliards pour le soutien à la santé publique». De même, l'Etat prévoit de maintenir le niveau de ses subventions indirectes, dont le coût total s'élèvera à 1500 milliards de dinars, dont notamment «630 milliards de dinars de différentiel entre les prix réels des carburants, y compris les quantités importées et leur prix de cession, plus de 750 milliards de dinars de différentiel entre le prix réel du gaz naturel et son prix de consommation, ainsi que 154 milliards de dinars de subvention d'équilibre à Sonelgaz»