Quatre mandats présidentiels, trois révisions constitutionnelles. C'est unique dans les annales politiques ! Mais le président Abdelaziz Bouteflika l'a fait. La première fois en 2001 pour constitutionnaliser la langue amazighe comme langue nationale, la seconde en 2008 pour enlever la limitation des mandats et en briguer autant qu'il le souhaitait, la troisième pour revenir à l'article 74 de la Constitution de 1996 qui limitait les mandats présidentiels à un, renouvelable une seule fois. Pourquoi le chef de l'Etat a fait donc tout ce tour pour revenir enfin à la mouture initiale, en verrouillant définitivement cette disposition ? Le ministre d'Etat et chef de cabinet de la Présidence, Ahmed Ouyahia, avance un argument farfelu pour justifier et la révision de la Constitution en 2008 et la reconduction de Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat en 2014 : «En 2008, c'était une demande de la part de la société. Une personnalité particulière. Après cet amendement, il y a eu beaucoup de protestations. En 2014, j'avais dit que la candidature de Bouteflika était un sacrifice de sa part pour éviter au pays de sombrer dans la violence.» Etonnant mais logique raccourci de la part d'Ahmed Ouyahia. Etonnant parce que la suppression de la disposition de limitation des mandats en 2008 était, faut-il rappeler, largement contestée. Abdelaziz Bouteflika n'aurait jamais fait deux autres mandats, s'il n'avait pas révisé la Constitution en 2008, sans se référer d'ailleurs à l'acceptation par voie référendaire du peuple souverain. C'est le Parlement réuni en deux Chambres qui l'avait avalisée, alors que les modifications touchaient l'un des principes de fond de la démocratie : le principe cardinal de l'alternance pacifique au pouvoir. Pourquoi le président Abdelaziz Bouteflika revient aujourd'hui pour reprendre l'article 74 de la Constitution de 1996 et limiter les mandats présidentiels à deux seulement ? Le fait-il parce qu'après avoir brigué quatre mandats successifs dans des conditions très contestées, il veut se racheter auprès de l'opinion publique nationale et internationale ? Quelle trouvaille d'Ahmed Ouyahia quand il dit que «la candidature de Abdelaziz Bouteflika en 2014 était un sacrifice de sa part pour éviter au pays de sombrer dans la violence» ! Le chef de cabinet de la Présidence, qui s'interrogeait autrefois si «le 4e mandat du Président était une bonne chose pour l'Algérie», aurait pu chercher d'autres arguments encore plus passables auprès de l'opinion. Une révision constitutionnelle remettant au goût le principe de la limitation des mandats, dont les droits d'auteur en Algérie appartiennent exclusivement à l'ancien président de la République, Liamine Zeroual, et qui interviendrait avant les élections présidentielles d'avril 2014, aurait certainement gêné sa tenace ambition de briguer un quatrième mandat.