Les réactions contrastées de la classe politique au contenu du projet d'amendements constitutionnel dévoilé mardi par Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de la présidence de la République, confirme bien que le règne de Bouteflika, qui a fait de la réconciliation nationale le credo de sa gouvernance a, bien au contraire, provoqué une fracture sociale profonde au sein de la société. Il est symptomatique, en effet, de constater que les partis au pouvoir ou qui soutiennent le programme présidentiel se félicitent du projet, exprimant leur satisfaction de ce que la nouvelle mouture ait pris en compte toutes leurs propositions, alors que l'opposition — regroupée au sein de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique — parle de «non-événement». Deux positions, deux visions irréconciliables de l'Algérie qui peine à trouver la voie consensuelle de la construction d'un Etat démocratique et républicain. La question qui se pose aujourd'hui, c'est de savoir comment cette quadrature du cercle, synonyme d'impasse politique, sera réglée dans les prochains mois. La révision constitutionnelle, qui est présentée par le pouvoir comme le chantier politique phare de la 4e mandature de Bouteflika devant propulser l'Algérie dans une nouvelle ère de démocratie, de libertés et de justice sociale, est-elle réellement la solution, la priorité des priorités des défis qui se posent au pays, pour aller vers un système politique consensuel et apaisé ? Quand on voit le processus par lequel est passé le «débat» sur «l'enrichissement» du projet de révision constitutionnelle boycotté par une partie de l'opposition, le jeu apparaissait biaisé dès le départ pour que le pouvoir puisse nourrir quelque espoir de conquérir les cœurs de l'opposition à la faveur des amendements introduits, dont on répétait à l'envi qu'ils allaient révolutionner le système politique algérien. Pour le pouvoir, le consensus populaire autour de l'initiative du pouvoir est largement reflété par les forces politiques, sociales et les personnalités ayant pris part aux consultations sur le projet de révision constitutionnelle. A supposer que cela soit vrai et puisque le pouvoir se montre si serein et à l'aise pour mettre en jeu sa crédibilité et sa légitimité, pourquoi a-t-on alors choisi la solution la moins risquée politiquement pour faire adopter le projet de révision constitutionnelle en optant pour la voie parlementaire ? Même si le processus électoral est rigoureusement contrôlé et plombé comme le pouvoir sait le faire, le recours au référendum populaire présente toujours des risques que l'on ne voudrait pas prendre. Quand on traîne comme un boulet un déficit de légitimité comme le lui reproche l'opposition, et compte tenu du lourd passif qu'il traîne derrière lui, le pouvoir aura toujours du mal à convaincre de la régularité du scrutin. De plus, au plan du timing, le gouvernement est mal servi par la mauvaise conjoncture économique et financière du pays avec un front social menaçant qui risque de grossir les rangs des abstentionnistes et du vote sanction contre le projet. Une chose est certaine, comme l'Algérie ne s'en porte pas mieux depuis le 4e mandat malgré toutes les promesses électorales faites, l'adoption du projet de révision constitutionnelle qui passera comme une lettre à la poste du Parlement ne réglera pas le problème de la crise politique dans laquelle le pays est englué.