L'annonce par le président Bouteflika des grandes lignes des amendements constitutionnels et de l'imminence de la finalisation du projet de révision constitutionnelle continue de focaliser le débat politique. Les formations politiques proches du pouvoir y voient «une avancée démocratique», tandis que l'opposition parle de nouvelle «manœuvre du pouvoir» pour se maintenir. Pour sa part, la population reste, pour l'heure, à l'écart de ces joutes. La préoccupation est ailleurs. Elle est sociale, existentielle avec un quotidien de plus en plus dur à vivre du fait des effets de la crise qui commence déjà à se faire lourdement sentir. Et c'est paradoxalement le peuple, qui est constitutionnellement la source du pouvoir en Algérie – la réalité, on le sait est tout autre –, qui sera appelé, sous une forme ou une autre, à se prononcer sur ce projet. Par voie référendaire ou à travers le vote parlementaire via ses deux Chambres réunies. Et c'est là où précisément les choses apparaissent biaisées pour nombre d'observateurs. L'opposition, qui a déjà été plus d'une fois échaudée par la pratique de la fraude électorale devenue une seconde nature pour le système en place, refuse en bloc d'accorder un blanc-seing à cette opération. Elle se dit convaincue que lorsque l'on a fraudé une fois, on ne pourra jamais se guérir de ce mal incurable. La constitutionnalisation de la commission indépendante de surveillance des élections dont on ne connaît pour le moment ni les prérogatives ni la composante et le mode de désignation de ses membres – une autre exception bien algérienne qui ne figure dans aucune Constitution au monde – ne paraît pas, aux formations politiques de l'opposition, une condition suffisante pour empêcher la fraude. Même si, dans l'absolu, l'idée de cette commission, qui est une revendication pressante de l'opposition, n'est pas rejetée par celle-ci, dans son principe, mais dans l'instrumentalisation que le pouvoir voudrait en faire en l'utilisant pour soigner sa devanture démocratique, elle ne réglera pas l'équation démocratique en Algérie. A supposer que le pouvoir soit pour une fois sincère dans sa volonté exprimée d'aller vers un système électoral transparent et honnête, l'engagement vaut pour l'avenir. Car il faudra attendre le vote de la Constitution révisée pour mettre en place cette commission de surveillance des élections. Mais en attendant, se pose la question de savoir si le choix souverain du peuple peut être respecté, sachant que le vote du projet de Constitution va se faire dans les mêmes conditions politiques, avec les mêmes institutions et les mêmes personnes, voire la même administration que celles qui ont prévalu lors des précédents scrutins contestés par l'opposition pour irrégularités. Quel que soit le mode de scrutin pour lequel optera le président Bouteflika – le référendum ou le Parlement –, le projet passera comme une lettre à la poste. C'est cette politique du fait accompli que dénonce l'opposition. Celle notamment regroupée au sein de la Coordination pour les libertés et le transition démocratique (CLTD) qui oppose une autre démarche politique reposant sur la mise en œuvre d'une transition démocratique rendue, de surcroît, indispensable par l'état de santé de Bouteflika, selon elle. Pour la CLTD, la révision de la Constitution ne doit être que l'aboutissement du processus des réformes politiques à engager et non pas le prélude au changement tel que préconisé le pouvoir.