La rencontre a débuté avec un historique succinct sur la littérature allemande contemporaine, exposé par l'universitaire et chercheur Rafika Belghoul, laquelle s'est attardée sur le parcours de l'écrivain Günter Grass. Après l'isolement dans lequel était confinée la littérature allemande, elle a fait parler de celle d'après-guerre. Günter a ouvert des perspectives thématiques en donnant un souffle à la littérature allemande. Abordant son livre Le tambour, la conférencière estime que « le regard critique porté par l'auteur sur la société, et ce, dans un langage métaphorique. Le personnage du nain, c'est le marginal, le refusé, dont l'image de l'anti-héros ». L'écrivain allemand, dit-elle, a cette faculté de mettre en scène des personnages très complexes dans un verbe provocateur et pictural à la fois. Concernant la polémique sur les dernières révélations de Günter Grass dans son livre sorti en août dernier, consacré à sa jeunesse où il détaille notamment son engagement dans les Waffen SS, Rafika Belghoul a porté quelques interrogations dont « S'est-il senti interpellé par les événements politiques ? » « Günter a-t-il vécu avec cela en solitaire ? » « On ne peut pas expliquer le pourquoi de cet engagement », poussait-elle, mais « Günter reconnaît son erreur de jeunesse mais ne pardonne pas ». Il est à rappeler que partisans et opposants de l'écrivain continuent de s'affronter via les pages culturelles des journaux allemands. Lors d'un entretien au quotidien Frankfurter allemeine Zeitung, l'écrivain prix Nobel de littérature en 1999 avait avoué publiquement son appartenance aux Waffen SS dans les derniers mois de guerre. L'entretien en question avait été publié en vue de la parution de son nouveau livre Bein Häuten der Zwiebel (En pelant les oignons) où l'auteur relate les dernières années de jeunesse. Dans son dernier livre, le lecteur découvre les conditions dans lesquelles Günter Grass avait intégré la troupe d'élite nazie. Il avait essayé de s'engager dans la marine à 15 ans. Deux ans plus tard, il est recruté par les Waffen SS avant d'être envoyé sur le front en mars 1945 par certains. L'écrivain a volontairement orchestré cette campagne en vue de la parution de son livre de souvenirs. « Il a contribué au plus grand effet dramatique en mettant en scène son aveu comme le cri d'une âme torturée avant la publication de son autobiographie », dénonce l'hebdomadaire Dite Zeit. Les commentateurs les plus virulents appellent l'écrivain à rendre son prix Nobel et annoncent la fin de son autorité morale. Pour les autres, les moins virulents, ils estiment que cette révélation n'enlève en rien sa stature morale. Il est à noter, par ailleurs, que depuis la fin de la guerre, Günter Grass n'a pas cessé d'intervenir dans le débat public pour favoriser le processus de réconciliation entre l'Allemagne et la Pologne en interpellant les Allemands sur le passé. La polémique est telle que des voix commencent à s'élever pour, justement, dénoncer l'ampleur de cette affaire.