La jeune démocratie tunisienne est-elle menacée ? Le pays du Jasmin, considéré comme un exemple pour le monde arabe grâce à son combat contre la dictature de Zine El Abidine Ben Ali, va-t-il rentrer dans le rang ? Le danger vient de l'intérieur même des forces qui ont contribué à faire de la Tunisie un modèle à suivre. Et, paradoxalement, c'est le parti au pouvoir, Nidaa Tounes, du président de la République, Béji Caïd Essebsi, qui est en train d'affaiblir la période de transition mise en place depuis 5 ans. Le congrès du parti, qui vient de se tenir, a donné une idée de la nature du pouvoir que l'ancien compagnon de Habib Bourguiba veut léguer à son pays. En effet, il a intronisé son fils Hafedh à la tête de Nidaa Tounes, laissant supposer que lui aussi, à l'instar de beaucoup de potentats arabes, veut instaurer le système de succession dynastique. Une option que n'avait jamais imaginée en son temps le père de l'indépendance, à tel point qu'il avait écarté son fils, Habib Bourguiba Jr., de toute activité politique. Il semble que Caïd Essebsi pense autrement et prépare son rejeton à une destinée présidentielle. Une partie des principaux responsables de Nidaa Tounes a vu le danger et a décidé purement et simplement d'entrer en dissidence. Des députés ont carrément déserté les rangs, provoquant un séisme politique. Les défections ont eu pour conséquence de faire perdre à Nidaa Tounes son statut de premier parti à l'Assemblée nationale, cédant la place au parti islamiste Ennahdha de Rached Ghannouchi. Ce dernier n'en demandait pas tant. Le voilà remis en selle avec de nouvelles perspectives, et ce, grâce à l'ennemi qui l'a combattu sans concession, Béji Caïd Essebsi. Celui-ci a pourtant été mis en garde par la base du parti, mais il n'a voulu écouter que les ambitions de son fils. C'est le retour des vieux démons. Il est, certes, contre l'obscurantisme et l'islamisme, mais il ne faut pas oublier qu'il a été ministre de l'Intérieur de Bourguiba et, à ce titre, a dirigé la répression contre les forces démocratiques tunisiennes. De par son parcours, il ne peut pas se transformer en un véritable démocrate à l'approche de ses 90 ans. Il ne termine pas bien ses vieux jours, surtout qu'il a raté l'occasion de marquer positivement son passage à la tête de l'Etat. La Tunisie dans son ensemble pâtira de son comportement antidémocratique. Heureusement que le peuple tunisien, qui sait être pragmatique, a des ressources pour rebondir. Il a une société civile très dynamique, unique en son genre dans le monde arabe, qui a fait ses preuves lorsqu'il s'agissait d'éjecter du pouvoir le clan Ben Ali, surtout que le terrorisme islamiste menace et que Daech est juste à côté, en Libye.