Cela fait cinq ans, jour pour jour, que le régime de Zine El-Abidine Ben Ali est tombé en Tunisie, ouvrant la voie à une transition politique des plus fragiles. Les Tunisiens célèbrent aujourd'hui le cinquième anniversaire du départ de l'ancien régime, dans un climat politique des plus délétères et un contexte sécuritaire explosif, tant sur le plan interne que régional. Si la Tunisie est citée comme exemple de réussite de ce qui est communément appelé Printemps arabe, les acquis de la lutte des Tunisiens sont plus que jamais menacés par les divisions qui minent le camp des démocrates et des laïcs face à des islamistes d'Ennahdha soudés autour de leur leader Rached Ghannouchi. Accusés de confisquer la révolution pacifique de la jeunesse tunisienne, les islamistes ont été contraints de quitter en 2014 le gouvernement qu'ils dominaient depuis 2011. L'élection de Béji Caïd Essebsi, candidat de Nidaa Tounes avait redonné espoir aux Tunisiens qui se sont massivement mobilisés pour sauver leur révolution. Lancé initialement, en 2012, comme une initiative politique réunissant plusieurs mouvements de gauche et de libéraux, Nidaa Tounes s'est transformé en parti quelques mois plus tard. Sa victoire relative au scrutin législatif et présidentiel de 2014 l'a obligé à composer avec Ennahdha qui pouvait désormais gouverner à distance, en attendant le moment opportun pour rebondir. Une stratégie bien propre aux mouvements politiques islamistes, notamment à la mouvance des Frères musulmans que ce soit en Egypte, où ils n'ont toutefois pas su gérer leur victoire, ou en Turquie où ils détiennent le pouvoir depuis quinze ans et ont réussi à faire passer certaines de leurs réformes politiques comme une lettre à la poste. Aujourd'hui, à l'occasion de la célébration de l'an cinq de la "révolution", la sacro-sainte alliance des démocrates-laïcs et des libéraux a volé en éclats, faisant perdre à Nidaa Tounes sa majorité parlementaire et annonçant des jours difficiles pour ces Tunisiens qui s'inquiètent du devenir de leurs acquis. L'implantation des mouvements terroristes sur le sol tunisien, l'instabilité du voisin libyen avec l'expansion de l'organisation autoproclamée Etat islamique (Daech), la crise socio-économique engendrée en partie par cette instabilité sécuritaire accentue le climat d'incertitude à Tunis. Et ce ne sont ni les discours rassurant du président Essebsi, qui vient de placer son fils à la tête de Nidaa Tounes, ni l'annonce d'ambitieux plans de développement par son Premier ministre, Habib Essid, qui viendront dissiper ce sentiment d'inquiétude et d'une certaine déception chez une partie de la population et de la classe politique. La preuve en est que nombreux sont ceux qui reprochent à Béji Caïd Essebsi son alliance avec Rached Ghannouchi pour, officiellement, mener le processus de transition politique et économique à terme. Le boycott de l'opposition de la cérémonie commémorant le cinquième anniversaire de la révolution tunisienne au palais de Carthage illustre le fragile équilibre politique dans le pays. Il en est de même de cette cascade de démissions des cadres et élus des rangs de Nidaa Tounes avant et après la tenue de son congrès les 9 et 10 janvier derniers. Si Béji Caïd Essebsi se porte garant de la sauvegarde des acquis de la révolution du Jasmin, sur le terrain, la situation est difficile à cerner et à contrôler. Lyès Menacer