L'époque d'après-guerre est passée où la conjoncture industrielle mondiale se lisait d'abord à la sortie des chaînes automobiles. L'état du marché de la voiture reste pourtant un éclaireur toujours fiable sur les pistes de la mondialisation. Que dit donc à ce propos le mondial de l'automobile qui a ouvert ses portes à Paris ce week-end ? D'abord que l'activité est très contrastée dans le monde. L'industrie automobile est en crise aux Etats-Unis ou les trois grands groupes constructeurs Général Motors, Ford et Chrysler continuent de perdre de l'argent – 10,5 milliards de dollars pour le seul GM en 2005. Elle est morose sur le vieux continent où la progression des ventes était seulement de 0,4% depuis le début de l'année et « solide » en Asie de l'Est où les constructeurs japonais et sud-coréens grignotent, Toyota en tête, des parts de marché dans le monde. Le solde de ce tableau n'est pas positif. Les annonces des plans de restructurations sont plus nombreuses et dramatiques que celles des bénéfices mirobolants. Les 10 000 suppressions d'emplois chez Peugeot – annoncés à la veille de l'ouverture du Mondial de l'automobile- sont venus s'ajouter à une longue liste qui a connu sa pire ligne fin 2005 avec le plan GM supprimant 30 000 emplois et fermant 12 sites de production. Pourquoi donc autant de revers dans une économie mondiale qui affiche en 2006 un taux de croissance supérieur à 4 % pour la quatrième année consécutives ? A chaque marché son explication. Aux Etats-Unis, le « petit » retard technologique traditionnel dans la filière automobile a fini par se payer sous les coups de boutoir d'un marché plus ouvert et dernièrement d'une hausse des prix du carburant. La locomotive du marché américain – les 4X4 et en particulier les sports utility véhicule (SUV) 4x4 à l'agrément d'une berline, particulièrement gourmand en énergie – est en perte de vitesse accélérée depuis trois ans. En Europe, aussi le prix du carburant a plombé la croissance du marché et a opéré au classique transfert d'achat des modèles « lourds » vers les petits modèles économiques sur lesquels la marge bénéficiaire des constructeurs est plus petite. C'est par exemple ce qui arrivé à Peugeot qui a vendu plus de voitures depuis le début de l'année mais pour un chiffre d'affaires inférieur. L'industrie automobile européenne est aujourd'hui attaquée de toutes parts. Sur son flanc haut de gamme par les modèles japonais, très high-tech et surtout tournés clairement -Toyota encore lui - vers les carburants propres, le véritable grand challenge des dix prochaines années ; sur son flanc milieu de gamme par les voitures coréennes et nippone à la fois, grâce à un rapport qualité-prix très agressif et bientôt sur son entrée de gamme avec l'arrivée imminente d'une déferlante de voitures chinoises sur le monde. Les spécialistes au salon de Paris l'annonce pour dans 5 ans et la redoute surtout comme concurrent des voitures européennes sur les marchés émergeants. C'est d'ailleurs la première fois que des exposants chinois sont présents au Mondial de l'automobile à Paris. Ils ont choisi comme angle d'attaque le 4X4 bon marché. En dépit des commentaires quelque peu condescendants des patrons de l'industrie automobiles européens, l'inquiétude pointe sous le propos. L'arrivée massive de la voiture chinoise sur le marché mondial si elle est une mauvaise nouvelle pour les grands constructeurs déjà en difficulté avec leur marge opérationnelle, elle annonce une baisse planétaire de la barrière financière d'entrée à la communauté des propriétaires de véhicules. Rien de bon pour la lutte contre les gaz à effets de serre. Sauf si les chinois produisent très vite aussi des voitures plus propres, comme les modèles hybrides – électricité- thermique – l'autre vedette du marché aujourd'hui.