Un hommage au grand maître de l'Oranie, Ahmed Wahbi, a été organisé, hier, au Centre culturel algérien de Paris. Un concert sous la direction de Abdallah Driche, fils de l'artiste, avec la participation des chanteurs Lina Doran, Nadim et Hassan Risani, accompagnés de sept musiciens. Wahran Wahran, Seredj ya fares, Bayet aalel jemar netguelab, Alach tloumouni, Bakhta, Yemna et bien d'autres chansons qui ont bercé des générations entières, un répertoire authentique enrichi, grâce à l'apport de grands chantres du chi'r el malhoune, à l'exemple de cheikh Mostafa Benbrahim et Abdelkader Khaldi. Né en 1921 à Marseille, d'un père algérien et d'une mère française d'origine italienne, Ahmed Wahbi est orphelin de mère à l'âge de quatre mois, il sera élevé par ses grands-parents. Il grandira avec sa sœur à M'dina Jedida, un des quartiers populaires de la capitale de l'Ouest algérien. Son père est le chanteur Dader qui fut membre du groupe S'hab El Baroud ou Banda Zahouaniya de ce même quartier. C'est dans ce milieu favorable qu'Ahmed Driche va trouver sa vocation de chanteur. Dans les rangs des Scouts musulmans créés en 1937 et du groupe de Scouts musulmans d'Oran — En Najah —, dont il fera partie avec Hamou Boutlélis et Kada Mazouni, son talent se révélera au grand jour et se confirmera lors des longues veillées organisées par les scouts dans la forêt de Misserghine, près d'Oran. Il reprenait le répertoire du grand chanteur égyptien Mohamed Abdelwahab. Les scouts ont aiguisé une autre fibre chez le jeune chanteur en herbe, celle du nationalisme.
REVOLUTIONNAIRE En effet, Ahmed Wahbi était aussi un militant nationaliste durant la guerre de Libération nationale (1954-1962). Il a rejoint, en août 1957, la base frontalière de l'Est, Ghardiamaou, pour renforcer la troupe artistique du Front de libération national (FLN). Il a participé alors à des tournées de galas dans les pays amis d'Europe, d'Asie et du Moyen-Orient, pour représenter l'Algérie et son peuple en lutte pour sa liberté. Après l'indépendance, il poursuivra sa carrière artistique tout en se préoccupant du devenir des autres artistes, en présidant durant deux mandats successifs aux destinées de l'Union nationale des arts lyriques (UNAL), en qualité de secrétaire général. Mu par cette volonté imparable de servir la culture de son pays, il n'a épargné aucun effort pour promouvoir la chanson oranaise. Le Conservatoire de musique de la ville, où il a grandi et qu'il a adulée, porte le nom de ce grand maître de la chanson oranaise. Il est, d'ailleurs, l'un des fondateurs avec Belaoui Houari, dans les années 1940, de ce genre musical. Cette œuvre artistique exceptionnelle lui a valu d'être décoré, en mai 1992, de la médaille Achir. Il meurt une année après à Alger. «Je passe sous silence les peines, les souffrances, le mépris des gens pour ne pas soulever de polémique, le principal j'avais réussi et j'ai eu la consécration tant souhaitée dans mes œuvres – Lasnamia, Wahran.» (dixit Ahmed Wahbi). Ce parcours aussi riche que varié a été au centre d'un hommage rendu à Ahmed Wahbi, avant-hier et hier, au Centre culturel algérien, avec le concours de son fils Abdallah.