L'âme de Jean-Michel Atlan (1913-1960), grand peintre moderne né à Constantine, devrait se réjouir d'un certain regain de la peinture dans sa ville natale avec l'ouverture récemment d'une galerie privée et la tenue en ce moment, après plusieurs autres expositions, de la rétrospective Saddek Amine-Khodja. Né en 1949 à Constantine, ce peintre prolifique a étudié l'art à l'Ecole régionale avant de se rendre à Paris pour entrer à l'Ecole supérieure des Beaux-arts. Désireux d'accompagner sa pratique d'une culture artistique profonde, il suit parallèlement un enseignement en histoire de l'art à l'Université de Paris 10, soutenant un doctorat en art contemporain. C'est une carrière de plus de quarante ans qu'offre à voir cette exposition inaugurée le 5 décembre dernier et qui se termine demain au Palais de la Culture Mohamed Laïd El Khalifa. Embrassant l'ensemble des périodes du créateur à travers plus de cent œuvres, elle a nécessité un travail de sélection sur un fonds de plus de 1500 créations. Saddek Amine-Khodja n'a jamais laissé son pinceau sécher, comme on dit dans son milieu. Il a commencé à produire durant ses études et, à son retour au pays, il a poursuivi son élan, gardant son enthousiasme intact à ce jour malgré les difficultés de parcours et ses responsabilités en tant que directeur de l'Ecole régionale des Beaux-arts de Constantine. Il a participé à de nombreuses expositions, collectives ou individuelles en Algérie et dans le monde, et plusieurs de ses œuvres sont conservées dans des collections publiques ou privées. Son travail a connu diverses étapes thématiques et formelles. Empreint des grandes œuvres de la peinture universelle, et notamment l'aventure moderne et contemporaine, ce peintre s'inspire de l'héritage visuel national. Mais, dans sa démarche audacieuse qui ne craint pas les gestes forts, ce souci patrimonial n'a jamais été démonstratif, hormis peut-être durant sa période tifinagh où sont apparues plus manifestement les lettres de l'alphabet amazigh. Il transfigure l'héritage pour lui donner une configuration résolument contemporaine, laissant la couleur prendre ses aises, modulant les formes vives selon une grande variété de techniques qui produisent des effets de mouvement saisissants. Assumant pleinement son choix d'une abstraction quasi-absolue, il a déclaré à notre consœur du bureau de Constantine, Yousra Salem : «Est-ce qu'on cherche à comprendre une belle rose dans un jardin et à se demander pourquoi elle est belle ? Il suffit juste de la contempler et de l'aimer. Mon œuvre est un travail d'émotion, d'intuition et de sensation. Et si vous êtes choqués, c'est encore mieux, car 70 % de mon travail est de la création; tout ce qui est nouveau n'est pas compris. Alors mon but est atteint, c'est celui d'apporter du nouveau». S'il y a un sens à trouver dans ses œuvres, c'est effectivement celui de la beauté et de son renouvellement perpétuel et ce sens peut suffire à un artiste pour peu qu'il le défende sincèrement et avec talent.