Le design algérien demeure bien méconnu. Si, à l'étranger, quelques grands noms se sont imposés (Abdi, Gasmi, Yamo et quelques autres), les créateurs restés au pays bénéficient d'une visibilité aléatoire, faute de manifestations et surtout de commandes. En effet, le design est fortement dépendant de secteurs comme l'industrie (habillement, mobilier, objets…) et la construction. Or, le premier a été phagocyté par l'importation tandis que le second, au nom de l'urgence, néglige la conception. On ne se souvient que de quelques rendez-vous du design algérien : les expositions de la galerie Isma qui avait contribué dans les années '80 à faire connaître quelques signatures émergeantes ou encore la première exposition internationale en 2003 au VIA de Paris pour l'Année de l'Algérie en France. Il y a eu également cette participation de jeunes designers à la Biennale d'art contemporain de Saint-Etienne en 2004. Puis, il a fallu attendre 2012 où le design national s'était montré durant quatre mois à l'Institut du Monde arabe de Paris. Bref, des apparitions internationales en pointillé et peu de mise en valeur nationale, comme le déplacement de l'expo de l'IMA l'année suivante au Bastion 23 d'Alger. Avec l'exposition «D'Zaïr, Art and Craft» depuis jeudi à Johannesburg au MOAD (Museum of African Design)*, c'est sans doute la première fois que les designers algériens se produisent collectivement hors de France et dans une démarche d'échange sud-sud. Treize créateurs y participent, tous produisant en Algérie. Il s'agit de Amine Bebekir, Hamida Benmansour, Walid Bouchouchi, Samir Hamiane, Messaoud Idir, Saïd Issadi, Mourad Krinah, Leïla Mammeri, Jamel Matari, Mohamed Ourrad, Neïla Rahli, Yamo (Yahiaoui Mohamed) et Radia Zitouni. La manifestation soutenue par l'AARC (Agence algérienne pour le rayonnement culturel) est dirigée par Hellal Zoubir, aujourd'hui retraité de l'enseignement artistique supérieur, qui n'a jamais cessé d'œuvrer à la promotion de cette discipline. Avec Mourad Krinah, commissaire-adjoint, Hellal Zoubir a tracé une «ligne éditoriale» précise à cette exposition dans le remarquable musée sud-africain, véritable tremplin continental et international. Il s'agit bien sûr de faire découvrir la création algérienne dans ce pays où le design est une réalité dynamique, puisqu'en 2014, Cap Town a été choisie par le Conseil international des sociétés de design industriel pour être la capitale mondiale du design. «D'Zaïr, Art and Craft» se propose surtout de montrer les spécificités du design algérien qui, privé de commandes industrielles, et donc de la possibilité de concevoir des prototypes pour la fabrication en série, s'est «réfugié» dans la conception de pièces uniques dans une fusion entre art contemporain et fabrication artisanale. Une pratique qui ne vas pas sans problème dans les relations entre créateurs et artisans, certains de ces derniers allant jusqu'à récupérer à leur compte le travail des designers, lesquels, à l'image de Hania Zazoua, dite Princesse Zazou, ont été amenés parfois à devenir designers-artisans. La présence du design algérien à Johannesburg ne peut que promouvoir une création aux talents nombreux dont le «destin» dépend cependant d'une véritable vision des décideurs qui devraient considérer l'apport de cette discipline, non seulement d'un point de vue culturel mais aussi en rapport à son potentiel économique. Oui, le design peut aussi lutter contre la crise.
D'Zair, Art and Craft. Museum of African Design (MOAD). Johannesburg, Afrique du Sud. Du 28 janvier au 3 avril 2016.