«La porte d'entrée au mésusage, au trafic et aux détournements pour la revente hors du circuit pharmaceutique, autrement dit à des fins non thérapeutiques, des pratiques dangereusement répandues sur le marché national des médicaments dits hautement sensibles, les psychotropes en particulier, est en passe de se fermer. Un système intelligent de contrôle et de suivi des ventes de ce type de produit, mis au point par la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés (Casnos), sera lancé début mars prochain». L'annonce a été faite, ce week-end, depuis Annaba, par Dr Acheuk-Youcef Chawki, le DG. Le contexte? Une rencontre de sensibilisation sur les nouvelles dispositions introduites dans le secteur de la sécurité sociale, ayant regroupé les pharmaciens d'officine privés de la wilaya de Annaba. Il s'agit d'un logiciel, déjà testé avec succès et validé, se réjouit le responsable, qui devrait permettre aux officines et pharmacies hospitalières d'accéder à l'historique du malade en vue de délivrer de manière éclairée et sécurisée tous médicaments psychotropes prescrits sur ordonnance médicale. «Avec ce logiciel, les pharmaciens d'officine seront en mesure de suivre en ligne, en temps T, l'historique du malade se présentant avec une ordonnance médicale. Se faire délivrer, à plusieurs reprises, ou auprès de différentes officines des psychotropes ou autres médicaments sensibles, par l'entremise d'une même ordonnance ne sera plus possible à compter de mars, au plus tard. Tout est fin prêt pour lancer l'opération. Nous attendons que la CNAS se mette au diapason avant de généraliser l'entrée en application du système», explique le Dr Acheuk, dans une déclaration à El Watan, en marge du regroupement scientifique qui s'est tenu au complexe hôtelier Sabri. C'est un soupir de soulagement qui est poussé par nombre de participants à la rencontre interrogés. Car «si la grande majorité des patients utilise les psychotropes dans un but thérapeutique, certains d'entre eux détournent ces médicaments pour les consommer dans un cadre non thérapeutique. D'autres détournements ont été constatés. Le but étant la revente hors du circuit pharmaceutique pour un usage équivalent à celui d'une drogue. D'où la multiplication de réseaux locaux, nationaux et transnationaux qui ont trouvé dans ce trafic un juteux commerce», admettaient, en aparté, nos interlocuteurs. Autre nouveauté, autres buts, mais même logiciel: «La carte chifa est systématiquement bloquée par le même logiciel lorsque l'ordonnance originale ou scannées -difficilement détectables- est présentée par le client pour se faire délivrer plus d'une fois le même psychotrope auprès d'une ou plusieurs officines», fera savoir le DG de la Casnos. Ceci pourrait ainsi contrer les abus et fraudes à des fins non thérapeutiques ainsi que les accidents de prescription, a-t-il insisté. POUR UNE MEILLEURE SENSIBILiSATION En attendant l'entrée en vigueur du nouveau système, susceptible de mettre les pharmaciens d'officine à l'abri des déviations et perversions liées à la vente de psychotropes, le responsable a exhorté l'assistance à exiger la fourniture par le malade et/ou le client des copies de la pièce d'identité et ordonnance pour que soit facilitée la procédure de traçabilité. Certes, admet-il, «il n'y a pas de texte qui vous oblige à le faire, mais la loi qui vous en empêche n'existe pas non plus». Mieux, renchérit Messaoud Belamri, président du Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine (Snapo), «la circulaire de 2005, de Amar Tou, autorise le pharmacien à demander une copie de la pièce d'identité du client». Et d'annoncer dans la foulée, l'actualisation de la liste des psychotropes, portée à 120 produits en DCI (dénomination Commune Internationale). Et, pour mieux sensibiliser ses partenaires, pharmaciens, réunis à l'initiative de Tewfik Slama -Président du bureau Snapo à El Bouni-, d'interpeller les conférenciers : «Lorsqu'un client se présente avec une ordonnance en bonne et due forme, sommes nous censés savoir s'il va utiliser les psychotropes prescrits en dehors d'un processus de soins. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de mettre en place les garde-fous pour lutter contre toute dérive ou pratique ayant pour finalité le détournement, le mésusage, ou le trafic du traitement. Ces pratiques sont coûteuses pour l'assurance maladie et lourdement préjudiciables pour nous aussi. Car à chaque fois qu'une affaire de trafic de psychotropes éclate au grand jour, c'est toute la profession qui s'en trouve stigmatisée et touchée dans l'âme. En pâtit également le véritable malade, à qui on doit permettre de progresser sereinement dans son parcours de soins». Ce à quoi a répondu Dr Acheuk en mettant en avant les vertus du logiciel prévu pour être opérationnel en mars prochain. C'est au cours de ce même mois, annoncera-t-il encore, que devrait, par ailleurs, être déployé un autre système: la communication par SMS en temps réel à l'assuré des opérations de paiement de ses cotisations : «L'assuré sera instantanément informé par la Casnos du paiement de ses cotisations, effectuées par lui-même ou par une tierce personne. Idem pour les achats de médicaments. La date, le nom ainsi que de la valeur des médicaments délivrés seront communiqués par SMS au propriétaire de la carte chifa. Ce procédé va aider à contrer de manière plus efficace la subtilisation ou toute utilisation à des fins douteuses de cette carte».