Une grande partie de la population, notamment celle vivant dans les fins fonds de l'Algérie, ne connaît pas le contenu de la charte pour la paix et la réconciliation nationale et ignore même la démarche à suivre pour l'obtention de ses droits », c'est du moins ce que pense Mme Saïda Benhabylès, présidente de l'Association pour la promotion de la femme rurale. Elle s'est largement exprimée sur la question lors d'une table ronde organisée hier, au centre de presse du quotidien El Moudjahid et consacrée à l'état d'avancement du dossier relatif à la réconciliation nationale. Des avocats et des magistrats, directement impliqués dans le traitement du sujet, ont participé au débat. Etaient également présents à cette rencontre des représentants de la Sûreté nationale et du mouvement associatif. Avec un franc-parler, Mme Benhabyles rappellera que l'Algérie possède des textes de lois impeccables, seulement le problème réside dans leur application. « Je préside une association qui s'occupe beaucoup plus du monde rural. La majorité des habitants résidant dans les villages éloignés, notamment à Chlef, Médéa ou bien Relizane ne connaissent rien au contenu de la charte. Aucun travail de proximité ni de sensibilisation n'a été fait à leur encontre. Ces gens sont livrés à eux-mêmes alors qu'ils sont les premiers touchés par le terrorisme. Ce sont les victimes de la tragédie nationale », a lancé Mme Benhabyles qui n'a pas ménagé au passage ceux qui organisent des meetings dans des grandes salles, et ce, dans l'unique but d'applaudir la charte afin de plaire aux dirigeants du pays. L'oratrice a invité ces mêmes personnes à se rendre dans les zones éloignées pour orienter la population et mettre à la disposition des villageois les moyens de transport pour leurs multiples déplacements au chef-lieu de wilaya. « Nous avons affaire à une population presque analphabète. A cet effet, il faut user d'un verbe simple pour lui expliquer les articles contenus dans la charte. Il faut également faire du porte-à-porte et accompagner ces habitants dans leur démarche », a indiqué Mme Benhabylès. Plus loin, cette dernière évoquera un autre phénomène qui a trait à l'exploitation de la douleur des gens par une certaine catégorie de personnes. « En Algérie, ce qui est dramatique, c'est la manipulation. On se sert de la douleur des gens pour s'enrichir. Comme à l'époque du terrorisme, les gens ont fait des victimes de ce fléau un fonds de commerce. Aujourd'hui, j'ai l'impression que la charte est devenue aussi un fonds de commerce. Elle est utilisée à des fins mercantile et politicienne », a déclaré Mme Benhabylès. Celle-ci, outrée, n'a nullement apprécié l'accueil réservé à Rabah Kébir. L'oratrice est persuadée que l'Etat algérien est actuellement en position de force, mais elle rappellera à Kébir et ses compagnons qu'ils ont bénéficié de la générosité du peuple algérien, et dans ce cas de figure, ils n'ont pas à revenir au pays pour narguer les autres. « Ces dirigeants de l'ex-FIS doivent respecter la population qui leur a accordé une chance. Ils n'ont pas à se montrer arrogants. Franchement, il n'y a pas de quoi être fier... », lancera l'intervenante. Le représentant de la Sûreté nationale d'Alger a, quant à lui, donné les résultats du travail réalisé par la commission chargée du dossier de la charte installée au niveau de cette institution. L'intervenant a expliqué que concernant les constats de décès, 1065 attestations ont été remises par leurs soins aux ayants droit. Pour ce qui est des attestations de constat de personnes disparues, 281 ont été délivrées aux concernés, 1059 dossiers sont en cours de traitement, certains dossiers ont été refusés car ils ne répondent pas aux critères exigés, 450 enquêtes sociales ont été réalisées et 41 attestations ont été remises aux ayants droit par les autres services, notamment la gendarmerie. Ces chiffres, selon le représentant de la Sûreté nationale, ont été enregistrés depuis le début de l'opération jusqu'au 1er octobre. Quant à Azzi Marouane, responsable de la cellule judiciaire au niveau de la cour d'Alger, il admet qu'il y a des individus qui entravent le bon déroulement de la charte. Ces personnes, de son avis, figurent parmi celles qui ont été désignées pour veiller à son application sur le terrain. Il y a également des citoyens qui n'ont pas bien assimilé les textes de loi, et par conséquent, ils ont mal interprété le sens de quelques articles. « Ce sont ces facteurs qui font que l'état d'avancement de la charte est au ralenti dans certaines wilayas, contrairement à d'autres. Nous avons également relevé certaines insuffisances dans le contenu de la charte ; nous avons alors saisi le président de la République pour qu'il se penche sur ces cas », dira M. Azzi qui soulignera que les victimes du terrorisme bénéficieront de tous leurs droits, tels que énoncés dans le projet de la charte.