D'une organisation ouvrière, fondée il y a 60 ans pour aider à la libération du pays, l'UGTA s'est transformée en un appendice du pouvoir politique. Personne ne pourra plus prendre en otage une entreprise.» L'homme qui s'est exprimé ainsi n'est pas un représentant du patronat ou un quelconque ministre. C'est l'avertissement qu'a lancé, il y a quelques jours, Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de la centrale syndicale, envers les syndicalistes ou les salariés qui tentent de se faire entendre. Cet «avertissement» de Sidi Saïd rappelle, étrangement, une autre déclaration tenue, il y a quelques années, au complexe sidérurgiques d'El Hadjar. Accompagné du ministre de l'Industrie de l'époque, Amara Benyounès, le secrétaire général de l'UGTA demandait aux salariés de la société de «bannir» la grève de leur vocabulaire. Ces deux faits résument, à eux seuls, la situation que vit la centrale syndicale aujourd'hui. D'une organisation ouvrière, fondée il y a 60 ans pour aider à la libération du pays, l'UGTA s'est transformée en un appendice du pouvoir politique. Du contre-pouvoir qu'elle doit être, l'organisation syndicale s'est transformée en un soutien inconditionnel des autorités. Il est vrai qu'à des moments de son histoire, l'Union générale des travailleurs algériens a joué le rôle de représentant des travailleurs. Ce fut le cas lorsque des sections locales revendiquaient, dans les années 1980 et 1990, des revalorisations salariales ou le maintien de l'outil de travail. Mieux, l'UGTA a pris ses responsabilités en s'alliant aux forces républicaines du pays au début des années 1990. Le leader de l'UGTA de l'époque, Abdelhak Benhamouda, a payé le prix fort. Il a été assassiné en 1997 devant la Maison du peuple. L'un des événements qui illustrent ce retournement de la centrale syndicale est sans doute la grève des enseignants universitaires de 1996. Alors que le débrayage est organisé par le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES), c'est avec l'UGTA que les autorités négocient l'arrêt de la grève. Sans succès. Le même scénario s'est reproduit lorsque les enseignants de l'enseignement secondaire paralysent les lycées en 2005. Les représentants du syndicat officiel jouent, une nouvelle fois, les pompiers. Ils n'ont pas réussi à casser la grève. Mais lorsque les autorités ont voulu négocier, les représentants de Sidi Saïd ont eu les premières loges. Alors que des sections et fédérations locales tentent parfois de briser cette chape de plomb, la direction nationale intervient pour «calmer» les esprits. Des fédérations de l'UGTA ont même été gelées ou carrément dissoutes pour avoir refusé de suspendre un mouvement de protestation. Un comportement qui a poussé, récemment, des travailleurs de la zone industrielle de Rouiba à dénoncer publiquement la centrale syndicale. A chaque fois le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, qui a même opéré un passage en force pour soutenir la candidature de Bouteflika pour un deuxième mandat, répond que «la solution des conflits ne se fait pas par l'agitation». Une manière de rappeler que la proximité avec le pouvoir donne la possibilité de poser des problèmes directement aux responsables concernés. Ce qui n'a pas empêché que les milieux modestes de la société demeurent dans la précarité.