On ne compte plus le nombre d'attentats ou projets d'attentats ciblant le chef de l'Etat pakistanais, Pervez Musharraf, depuis sa prise du pouvoir en 1999 et cela bien avant l'engagement de son pays dans la lutte contre le terrorisme et plus précisément son alignement sur les Etats-Unis. Au demeurant, Pervez Musharraf a tout dit sur cet alignement jusqu'aux causes. Il reste que cette fois, les choses semblent encore plus sérieuses puisque depuis jeudi, le Pakistan est sous haute surveillance. La raison, encore des tentatives d'attentats. En effet, les autorités pakistanaises ont découvert deux roquettes pointées sur les quartiers généraux des services de renseignements du pays, deux jours après avoir trouvé des roquettes prenant pour cible la présidence, a indiqué un haut responsable des forces de sécurité. « Les roquettes prenaient pour cible les quartiers généraux de l'ISI (Inter services intelligence, services secrets) » à Islamabad, a précisé ce responsable. « Nous avons désamorcé les roquettes de fabrication russe, semblables à celles retrouvées jeudi près des bâtiments du Parlement », a-t-il ajouté. Jeudi, deux roquettes montées sur des lanceurs et pointées sur la présidence pakistanaise avaient été découvertes dans une zone boisée à environ 500 m du palais présidentiel, au cœur de la zone administrative d'Islamabad, placée sous haute sécurité. Un téléphone portable était relié par des fils électriques aux lanceurs, sans doute pour servir de détonateur. La sécurité a été renforcée autour du président, ont indiqué des responsables. La découverte de jeudi était intervenue quelques heures après une mystérieuse explosion de forte puissance dans un parc public de Rawalpindi, la ville jumelle d'Islamabad, à moins d'un kilomètre de la résidence militaire du président pakistanais, le général Pervez Musharraf. De telles informations n'auraient certainement pas l'importance de choses devenues courantes, car, cette fois, il y a un contexte tout particulier, fait de révélations du chef de l'Etat pakistanais, rappelant les menaces américaines contre son pays dans le cas où celui-ci refusait de s'engager dans la guerre contre le terrorisme, mais aussi d'attaques occidentales ciblant les services secrets pakistanais. En ce sens, des commandants de cinq pays de l'Otan ayant des troupes stationnées en Afghanistan exigent de leurs gouvernements qu'ils sévissent face au Pakistan, accusé de soutenir les talibans, a rapporté vendredi le quotidien britannique The Daily Telegraph. Des commandants des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, du Canada, du Danemark et des Pays-Bas veulent que leurs gouvernements somment le Pakistan de mettre un terme à son soutien aux talibans, à l'origine d'une violente insurrection en Afghanistan. « Il est temps aujourd'hui qu'un ‘'ou vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous'' soit adressé franchement au (président pakistanais Pervez) Musharraf au plus niveau politique », a déclaré un commandant de l'Otan souhaitant rester anonyme au quotidien britannique. « Nos soldats souffrent dans le sud de l'Afghanistan à cause de ce qui arrive (de la ville pakistanaise) de Quetta », a ajouté le même commandant. Selon The Daily Telegraph, le rapport de l'Otan sur l'« Opération Médusa », la campagne sanglante menée entre le 4 et 17 septembre, stipule clairement que les services de renseignement pakistanais ISI étaient impliqués dans le soutien logistique aux talibans. Selon ce rapport, les stocks de munitions des talibans atteindraient une valeur de 2,6 millions de livres sterling (4,89 millions de dollars US, 3,85 millions d'euros) « Les talibans n'auraient jamais pu faire cela sans l'ISI », a affirmé un haut responsable de l'Otan cité par le quotidien. Plus généralement, le Pakistan fait face à un feu croisé d'allégations, venant de ses alliés comme de ses adversaires, dénonçant un double jeu de ses services secrets. Les suspicions se sont renforcées il y a une semaine, lorsque le président Musharraf a admis qu'il était possible que certains anciens cadres de l'ISI apportent un soutien aux talibans en Afghanistan. Le même jour, l'Inde affirmait qu'elle allait apporter des preuves de l'implication de l'ISI, le très puissant service de renseignements militaires pakistanais, dans les attentats du 11 juillet qui ont fait près de 200 morts dans des trains de Bombay. Le Premier ministre britannique, Tony Blair, devait de son côté désamorcer une crise en recevant le 28 septembre le général Musharraf après la publication d'un rapport évoquant un soutien de l'ISI aux talibans en Afghanistan, dénoncé depuis des mois par les autorités afghanes. Le président pakistanais a multiplié les démentis à l'occasion de la visite en Europe et aux Etats-Unis. Et pour les responsables pakistanais, l'ISI n'est qu'un bouc-émissaire. « L'ISI est un service discipliné, qui est en train de briser Al Qaîda », a rétorqué le général Musharraf, en démentant à « 200% » les accusations visant l'ISI. « Le Pakistan est votre principal allié », a-t-il insisté. « Si nous n'étions pas avec vous, vous n'arriveriez à rien. Et si l'ISI n'est pas avec vous, vous échouerez. Rappelez-vous ça, si l'ISI n'est pas avec vous et si le Pakistan n'est pas avec vous, vous perdrez en Afghanistan. » « Tous ces gens accusent le Pakistan pour couvrir leur échec, leur incompétence et leur lâcheté dans la guerre contre le terrorisme », a affirmé un haut responsable des services de sécurité. Après avoir coordonné la lutte contre l'occupation soviétique de l'Afghanistan dans les années 1980, l'ISI a tenu à bout de bras le mouvement taliban, qui a grandi dans son ombre jusqu'à prendre le pouvoir à Kaboul en 1996. Après les attentats de septembre 2001, l'ISI s'est révélé un allié-clé des Etats-Unis. Près de 700 membres présumés d'Al Qaîda ont été arrêtés au Pakistan, dont la moitié environ ont été remis aux Américains. En août, Londres et Washington ont officiellement remercié le Pakistan d'avoir permis la mise au jour d'un complot présumé visant à faire exploser des avions de ligne transatlantiques. Les spécialistes pakistanais soulignent que le « modéré » général Musharraf a toutes les raisons de lutter contre le terrorisme après les trois attentats à la bombe auxquels il a réchappé depuis trois ans. Que peut-il donc se passer, ou encore que peuvent bien cacher toutes ces accusations, après des rapports plutôt élogieux ? Il n'est pas possible, en effet, et à un tel niveau de relations que des rapports aussi contradictoires puissent être produits en si peu de temps.