Incertitude n Plus de 80 millions de Pakistanais doivent prendre part, demain, lundi, à des élections législatives cruciales pour le pays en proie à une profonde crise politique et à une vague sans précédent d'attentats. La campagne électorale s'est achevée, hier, samedi, dans un bain de sang où 46 personnes ont été tuées dans un attentat suicide en pleines zones tribales dans le nord-ouest. L'attaque a été la plus meurtrière depuis le début de l'année, lors d'un rassemblement du parti de la défunte chef de l'opposition, Benazir Bhutto. Devant cette vague d'attentats, les autorités pakistanaises ont mobilisé près de 81 000 soldats et 400 000 policiers pour assurer la sécurité des élections législatives qui s'avèrent, par ailleurs, très décisives pour le Président Pervez Musharraf, au pouvoir depuis son coup d'Etat de 1999, et déterminantes pour la poursuite de la guerre contre le terrorisme dans ce pays, estiment des analystes. Pour ces experts, l'avenir politique du président pakistanais réélu de manière controversée le 6 octobre dernier paraît bien sombre. Les élections législatives et provinciales serviront en effet de référendum pour un dirigeant jamais désigné au suffrage universel direct et dont la cote de popularité est au plus bas, si l'on en croit divers sondages. En cas de victoire, demain, lundi, des partis qui soutiennent le chef de l'Etat, l'opposition, qui dénonce par avance des «élections truquées», a promis des manifestations massives. A l'inverse, si les opposants, apparemment remobilisés depuis l'assassinat de Benazir Bhutto, s'emparaient des deux-tiers du Parlement, Musharraf risquerait d'être destitué. «Dans tous les cas, Musharraf est perdant», résume un politologue. Les Etats-Unis perdraient alors leur allié-clé dans leur «guerre contre le terrorisme» lancée fin 2001 contre les talibans en Afghanistan voisin. Washington, inquiet face à une vague sans précédent d'attentats au Pakistan, a multiplié ces derniers mois, les pressions sur Musharraf, dont l'armée combat depuis 2002 des fondamentalistes proches des talibans afghans et d'Al-Qaîda dans les zones tribales du nord-ouest du pays. Les Américains pensent en effet que ces islamistes armés menacent un Etat essentiel pour la stabilité de la région et que le réseau d'Oussama ben Laden et les talibans ont reconstitué leurs forces dans les régions tribales frontalières avec l'Afghanistan. Pour autant, une hypothétique «destitution de Musharraf pourrait relancer la lutte antiterroriste car un gouvernement légitime disposerait ainsi d'un soutien populaire dans cette guerre contre la terreur, ce qui n'est pas le cas avec Musharraf», relèvent des politologues. Sous pression américaine, le chef de l'Etat a abandonné, fin novembre dernier, sa casquette de général et de chef des armées, après avoir imposé l'état d'urgence et avoir écarté des juges de la Cour suprême qui menaçaient son pouvoir. Pour l'instant, les militaires n'ont montré aucun signe de dissension avec leur ancien général, mais son successeur Ashfaq Kayani, plutôt apprécié par les Occidentaux, a imposé que ses officiers ne se mêlent plus de politique.