Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, l'a confirmé la semaine dernière : la Banque d'Algérie travaille en vue de changer les règles de fonctionnement des bureaux de change. C'est un moyen juridique dont dispose la Banque centrale pour réglementer l'activité de change extrabancaire. L'idée d'aller vers l'ouverture de bureaux de change ouvre-t-elle la voie à une convertibilité plus large de la monnaie nationale ? Cette vieille idée, évoquée par des économistes et des opérateurs, va-t-elle retrouver sa place dans le débat actuel sur la valeur du dinar, le marché informel et les tentatives d'y remédier ? La question de la convertibilité du dinar est, en tout cas, clairement posée. «Il y aura toujours un marché de change non officiel, tant que l'officiel interdit la convertibilité libre de la monnaie locale et la considère plus comme une sorte de bon de rationnement interne que comme une monnaie à usage économique», estime Ferhat Aït Ali, analyste financier, contacté par El Watan. Il ne manque pas de relever combien le «pas encore» aggrave les peines d'un dinar malmené dans les circuits invisibles de l'économie. Bien des économistes estiment que la monnaie nationale ne peut jouer pleinement son rôle que lorsqu'elle est convertible. Si la convertibilité du dinar pourrait entrer à terme dans la boîte à outils de la Banque d'Algérie, dans l'actuel exercice de réajustement réglementaire en vue de permettre l'ouverture des bureaux de change privés, il y aurait de la place à une convertibilité, mais d'un autre genre. «L'unique moyen de tarir ce marché informel des devises est d'en éliminer le besoin pressant chez la majorité de la population par une politique de change officielle plus souple, quitte pour cela à introduire une double parité entre la convertibilité commerciale et celle directe de vente de devises, en achetant plus cher les devises des particuliers et en les vendant plus cher avec une marge», souligne Ferhat Aït Ali. Il va sans dire qu'au-delà de cette convertibilité plus large du dinar pour laquelle plaident économistes et opérateurs, une convertibilité totale de la monnaie nationale est tributaire de facteurs liés à la structure même de toute l'économie. L'idée est claire : en attendant la convertibilité totale du dinar qui ne peut être qu'un objectif au vu de la situation actuelle de l'économie, une convertibilité plus large serait possible avec l'ouverture de l'activité du change au privé. Qu'est-ce qu'une convertibilité partielle et totale du dinar ? La première concerne les seules transactions dites courantes, c'est-à-dire de commerce extérieur, domiciliées auprès des banques de la place. Quant à la seconde, elle a trait à tous les postes de la balance des paiements, y compris les opérations de transfert de capitaux. Quoi qu'il en soit, dans tout exercice monétaire, la Banque centrale doit disposer de mécanismes de régulation et de cadrage tant pour la convertibilité courante que totale. Si la Banque d'Algérie ne peut plus faire l'impasse sur la nécessité de libérer l'activité de change, c'est qu'à première vue, toutes les tentatives d'arriver à bout du marché informel des devises butent sur un échec cuisant. L'ambition étant, a priori, non pas d'arriver à un taux zéro de change au noir, mais de pomper le maximum de devises et de dinars vers la transparence. Dans cette quête, l'institution de Mohamed Laksaci pourrait permettre, au début de son opération, à des banques d'ouvrir des guichets spéciaux dans leurs agences et/ou en dehors, dans les hôtels et aux frontières, pour acheter et revendre des devises à des taux autres que le taux ordinaire de change. Il y aurait déjà des banques qui s'y préparent. Dans un contexte où chaque banque tente de maximiser ses stocks de ressources, le réajustement des règles de fonctionnement des bureaux de change vise, en premier lieu, à outiller les banques de la place, selon des indiscrétions. Quant à l'hypothèse d'un flottement libre du dinar, cela suppose la prise en compte d'autres paramètres liés à l'amélioration de la structure de l'économie et sa compétitivité. «La convertibilité totale n'est pas une mince affaire pour un pays qui ne produit presque rien et importe tout. Et surtout avec des banques déconnectées entre elles et du marché monétaire en temps réel, mais une convertibilité partielle à plusieurs taux peut se faire, avec un taux pour les opérations de change commercial et un autre, plus cher, pour l'achat direct de devises, qui soit plus proche du taux parallèle moyen», conclut l'analyste financier Ferhat Aït Ali.