Et une autre question, pourquoi ce type d'affaires est-il traité avec autant de temps ? L'histoire de Torchi Louiza reste bien significative de l'ampleur de ces drames, elle met à nu la lourdeur d'une justice qui trouve du mal à se faire et dévoile les dommages d'une bureaucratie aveugle. En effet, Louiza devait le 20 mars 1989 se réjouir d'avoir gagné juridiquement une bataille qui n'est pas des moindres, pouvoir enfin récupérer sa part d'héritage. Son défunt père, propriétaire terrien du côté de Mila, avait laissé quelques hectares qui devaient être partagés selon les procédures légales entre ses frères et elle. Ses propres frères voulaient l'exclure et garder pour eux tout l'héritage, cependant qu'il aura fallu toute la force de la loi et beaucoup de temps, précisément 25 ans, s'il vous plaît, pour que cette force s'exerce pour lui restituer son bien et l'installer sur son petit bout de terre. Commence alors pour Louiza une autre mésaventure, une autre épreuve bien plus délicate et pénible du fait qu'elle se retrouve seule, âgée, malade et sans instruction aucune face aux rouages absurdes d'une bureaucratie se faisant myope et par trop biscornue, au moment où il s'agissait pour elle de se mettre au service des citoyens et de l'intérêt public. Heureuse d'avoir eu gain de cause, Louiza s'en est allée enregistrer son acte de propriété au niveau de la conservation foncière de la wilaya de Mila. Aucun responsable de cette institution n'a daigné l'informer de la nécessité de procéder à la publication dudit acte, elle devait croire avoir accompli toutes les procédures exigées. Une fois remise, Louiza devait se départir de quelques menus lots, l'argent de la vente irait rembourser les frais dépensés depuis bon nombre d'années, mais à son grand étonnement, les services en charge du foncier de la wilaya de Mila avaient procédé le plus normalement à l'enregistrement puis la publication des actes des acquéreurs refusant de faire de même pour l'acte de la propriétaire, pourtant porté sur leur registre. Louiza devait trouver les ressources nécessaires pour tenir et revenir à chaque fois à la charge, cela dura plus de quatre années, elle essuya pas moins de trois refus dûment établis et signés par le premier responsable de la circonscription foncière de la wilaya de Mila. Le calvaire de la vieille dame allait encore se prolonger, car au moment où elle tentait de régler son problème, ne voilà-t-il pas qu'une entreprise s'arrogea le droit de faire traverser sur son lopin de la grosse tuberie sans la consulter, lui refusant le droit à une indemnisation qu'elle a pourtant octroyée aux propriétaires voisins. Usée, dégoûtée, Louiza n'en pouvait plus. Ne lui restait alors qu'un ultime recours, elle s'adresse au président de la République le suppliant d'intercéder auprès de l'administration domaniale de Mila pour mettre un terme à cette longue souffrance. Elle voudrait, le peu de temps qu'il lui reste à vivre, pouvoir profiter de son lopin de terre et peut-être même y être enterrée en paix.