L'opération semble minutieusement préparée et surtout étudiée dans ses moindres détails. Pour la Corée du Nord, il ne s'agissait pas seulement de faire exploser une bombe atomique, mais prévoir la réaction de l'adversaire, des voisins et même des amis. Quatre jours après son premier essai par lequel elle a forcé la porte du club très fermé des puissances nucléaires, c'est la Corée du Nord qui passe à l'offensive. Après de nouvelles discussions mardi, le Conseil de sécurité des Nations unies n'est pas arrivé à concilier d'une part les points de vue américains et japonais, qui veulent des sanctions dures et chinois, d'autre part, partisan de plus de retenue. Alors que le bruit d'un nouvel essai nucléaire circulait hier, elle a explicitement fait dépendre hier ses futures actions, quant à un nouvel essai nucléaire et un retour à la table des négociations multilatérales, de l'attitude des Etats-Unis. « La question des futurs essais nucléaires est liée à la politique américaine à l'égard de notre pays », a affirmé le numéro deux nord-coréen, Kim Yong-nam, dans une interview diffusée par l'agence japonaise Kyodo. « Si les Etats-Unis persistent dans leur attitude hostile et font pression sur nous de différentes façons, nous n'aurons d'autre choix que d'entreprendre d'autres actions physiques pour y faire face », a déclaré M. Kim, dans une dépêche datée de Pyongyang où Kyodo vient d'ouvrir un bureau. Le dirigeant nord-coréen – le premier à s'exprimer publiquement depuis l'explosion de lundi – a mis comme condition au retour de Pyongyang aux pourparlers nucléaires multipartites la levée des sanctions financières de Washington, une revendication déjà formulée avec insistance par la Corée du Nord. « Nous ne pouvons participer aux pourparlers à six alors même qu'une série de sanctions, y compris financières, nous sont imposées », a répété M. Kim, ajoutant que « cette question aussi dépend de l'attitude des Etats-Unis ». Ces pourparlers à six (Etats-Unis, deux Corée, Chine, Japon et Russie), ouverts en 2003, visent à obtenir de Pyongyang l'abandon de son programme nucléaire. Ils sont au point mort depuis novembre 2005, la Corée du Nord exigeant, comme préalable à leur reprise, la levée des sanctions financières américaines imposées à des entités et entreprises nord-coréennes accusées de blanchiment d'argent et de trafic de faux billets. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France) ainsi que le Japon discutent actuellement de la réponse à apporter à l'essai nord-coréen. Kim Yong-nam, qui est le président du présidium de l'Assemblée suprême du peuple de Corée du Nord (Assemblée nationale), a minimisé l'impact des sanctions que pourrait prendre la communauté internationale. En outre, la Corée du Nord a fait savoir qu'elle considérerait des sanctions comme une « déclaration de guerre » peu avant la reprise des débats de l'ONU à New York où la Chine pourrait approuver des mesures « punitives ». « Si des sanctions d'envergure sont décrétées, nous les assimilerons à une déclaration de guerre », a mis en garde un responsable nord-coréen non identifié s'exprimant à Pékin. Hier matin, la télévision publique japonaise NHK avait voulu voir les signes d'un nouveau test dans une secousse tellurique détectée en Corée du Nord. Mais les démentis n'ont pas tardé à fuser. Le porte-parole de la Maison-Blanche a indiqué n'avoir « aucune preuve » d'un second essai. Cette fausse alerte est intervenue au moment où devaient reprendre les débats au sein du Conseil de sécurité de l'ONU sur la possibilité de sanctions. Pékin, fidèle allié du régime nord-coréen qui détient la clé d'une réponse de l'ONU, s'est déclaré disposé à soutenir des mesures « punitives », à condition qu'elles soient « appropriées ». Son ambassadeur à l'ONU, Wang Guangya, s'est dit favorable mardi à l'invocation de « certains éléments » du Chapitre VII de la Charte de l'ONU dans la résolution actuellement en discussion entre le Japon et les cinq « Grands » du Conseil de sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie). « Nous voulons voir certains paragraphes ou certains éléments du Chapitre VII », a dit M. Wang. Les résolutions sous Chapitre VII donnent au Conseil de sécurité de larges pouvoirs d'action, y compris militaires, pour traiter les « menaces pour la paix, les infractions à la paix, ou les actes d'agression ». Mais parmi ses articles, certains comme le 41 prévoient seulement « des mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée ». Le débat semble ainsi bloqué et place paradoxalement la Corée du Nord en position de force. Quelles suites connaîtra alors ce dossier ?