L'immigration clandestine : un dossier épineux et délicat auquel sont confrontés tant les pays de la rive nord que ceux de la rive sud de la Méditerranée. Face à ce phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur et des proportions quelquefois tragiques, les pays du Sud sont assez démunis, les moyens dont ils disposent n'étant pas à la mesure de la complexité du problème. « Fournisseurs », puis territoires de passage, les pays maghrébins sont eux-mêmes de plus en plus terres de fixation. L'immigration clandestine est au centre d'un trafic international organisé, sophistiqué et extrêmement lucratif animé par des filières transnationales. Un rapport de l'ONU estimait que, pour l'année 2002, le marché de l'immigration clandestine dans le monde avait rapporté entre 10 à 15 milliards de dollars. L'Europe, par pays, ou collectivement, renforce son dispositif répressif (contrôle des frontières, législation, reconduites, sanctions plus fortes contre les passeurs, les transporteurs, les employeurs de clandestins) de lutte contre l'immigration clandestine. Des dispositions communes ont été mises en œuvre : renforcement des contrôles aux frontières, développement et coordination des forces de police... Chaque pays développe ainsi sa propre politique pour la gestion des flux migratoires et l'accueil d'étrangers non communautaires sur son territoire. L'Espagne, qui constitue depuis Gibraltar une porte d'entrée vers l'Europe, a mis en place en 2002 un système électronique pour endiguer les flux d'immigrations clandestins. Ce système de surveillance électronique, unique en Europe, permet de détecter, sur un rayon de 20 km, tout mouvement de « pateras », ces embarcations de fortune qui partent des côtes marocaines. L'Espagne a également durci sa loi sur l'immigration, prévoyant de lourdes sanctions contre le travail clandestin et le trafic de personnes, et a renforcé la collaboration entre ses services de renseignement et ceux du Maroc. Mais la principale voie d'entrée illégale en Espagne, ce sont les aéroports : soit plus de la moitié des immigrés sans papiers qui représentaient en 2003 un nombre global de 600 000. Les candidats à l'immigration clandestine qui transitent par la Libye seraient de 1 à 2 millions de personnes. La Libye est montrée du doigt par l'Italie qui lui demande de faire « beaucoup plus » pour endiguer l'afflux de clandestins sur ses côtes. Un accord bilatéral a été signé en juin 2003 instituant une collaboration entre les polices des deux pays et prévoyant des patrouilles mixtes le long des côtes libyennes. Tripoli, de son côté, se plaint de manquer de moyens, d'être l'objet d'une « invasion ». Pour ce qui est de la France, en avril 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, évaluait à 30 000 les entrées de clandestins chaque année sur le sol français. Nicolas Sarkozy considérait toutefois que « la réalité de l'immigration clandestine d'aujourd'hui, c'est une entrée légale et un maintien illégal : près de 80% de ceux que l'on appelle les sans-papiers sont arrivés en France avec un visa de tourisme de trois mois. Une fois sur le territoire, ils déchirent leurs papiers, les perdent et ne sont plus expulsables puisque leur pays d'origine est inconnu... » (interview au Figaro, 30 avril 2003). Selon d'autres sources, ce chiffre serait autrement plus élevé. Il reste que la lutte contre l'immigration clandestine ne saurait se limiter à des mesures et à des dispositifs répressifs. Aussi perfectionnés soient-ils, ces derniers ont montré leurs limites.