Les pays du Sud, dont l'Algérie, ont-ils fini par accepter de jouer le gendarme de l'Europe concernant le phénomène de l'émigration clandestine ? Officiellement non ! Mais sur le terrain, c'est le contraire que l'on constate. Quotidiennement ou presque, la presse nationale donne des chiffres de jeunes candidats à l'immigration clandestine interceptés en haute mer et présentés devant le procureur de la République pour être jugés et emprisonnés par la suite. Le phénomène de l'émigration ne cesse de prendre de l'ampleur en Algérie. Pays de transit pour les clandestins venus d'Afrique subsaharienne au même titre que le Maroc, la Tunisie et la Libye, l'Algérie est devenue présentement « productrice de harraga ». Face à cette progression du nombre de jeunes qui tentent la traversée en empruntant des embarcations de fortune, les autorités algériennes durcissent la répression. Et ce, depuis la promulgation, en 2008, de la loi criminalisant l'immigration clandestine. Cette loi, destinée beaucoup plus à lutter contre les réseaux des passeurs, donne la possibilité aux services de sécurité d'agir contre le phénomène. Depuis, des dizaines, voire des centaines de jeunes ont été arrêtés. Selon les observateurs, l'Algérie a, à travers ladite loi, répondu favorablement aux demandes des pays du Nord qui ne cessent d'exiger des Etats de la rive sud de la Méditerranée plus de rigueur en matière de lutte contre ce phénomène. L'Europe, qui a fermé ses portes devant les émigrés, réclame toujours des actions plus déterminées des pays du Maghreb contre les passeurs afin de lutter contre l'immigration clandestine. « Il faudrait que ces Etats agissent assez brutalement et mettent la main sur toutes ces officines de passage, très souvent liées au crime organisé et à la prostitution », avait affirmé le vice-président de la commission européenne en charge de la justice et des libertés, le Français Jacques Barrot. L'Europe semble avoir eu gain de cause. Après avoir pu convaincre la Tunisie et le Maroc de mettre en place des centres d'accueil des clandestins sur leurs territoires respectifs, l'Occident gagne une autre bataille, celle de voir l'Algérie durcir son dispositif législatif contre l'immigration clandestine. Le Maghreb devient ainsi un véritable bouclier contre l'immigration clandestine. En contrepartie, l'Europe n'a fourni aucun effort pour aider les pays « pourvoyeurs d'émigrés » à développer leurs économies et assurer des conditions de vie dignes aux candidats à l'émigration. C'est pourtant une exigence des pays du Sud. « Désormais, notre priorité est que la question du développement soit au centre du règlement et de la solution des problèmes migratoires », avait soutenu le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, début juin, à l'occasion de la visite en Algérie de William Lacy Swing, directeur général de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). La contribution européenne pour le développement des pays du Sud n'arrive toujours pas ; la répression contre l'immigration clandestine, elle, est déjà mise en place.